Violences policières et charge de la preuve : la Ligue des droits humains publie un rapport plaidant pour une meilleure prise en considération du certificat médical

Face aux allégations crédibles et récurrentes de violences policières en Belgique, Police Watch, l’Observatoire des violences policières de la Ligue des droits humains, relève la persistance d’obstacles rencontrés par les victimes pour porter plainte, mener à bien une procédure judiciaire et obtenir réparation. Parmi ces obstacles, la difficulté de prouver les faits de violence. Or, en matière de preuves, le certificat médical est un élément essentiel qui fait pourtant souvent défaut. La LDH s’est entretenue avec des expert·e·s juridiques et des professionnel·le·s de la santé (services d’urgence, maisons médicales, associations humanitaires ou encore médecins légistes) pour en identifier les principales raisons. Cette analyse a donné lieu à un rapport qui vise à partager des pistes de réflexion et d’action pour aider les victimes à faire valoir leurs droits en tenant compte de la diversité et de la complexité des réalités dans le secteur médical.

Ce rapport constate que l’enjeu autour des certificats médicaux est triple. Il est d’abord juridique. La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ratifiée et signée par la Belgique, vise à promouvoir les investigations et le traitement judiciaire de ces faits par les Etats adhérents. Outre ces obligations, le Protocole d’Istanbul qui l’accompagne s’adresse aux expert·e·s juridiques et aux professionnel·le·s de la santé et offre un cadre de référence pour rédiger un certificat détaillé. Or, à ce jour, aucune norme nationale n’y fait référence et il reste inconnu de la plupart des professionnel·le·s que nous avons pu rencontrer.

Ensuite, l’enjeu est également politique étant donné que cette question s’inscrit dans un contexte de définancement des services publics, dont les soins de santé et le système judiciaire sont parmi les plus touchés. Cette absence de moyens se répercute en premier lieu sur les personnes les plus fragilisées qui sont souvent aussi les premières victimes de violences policières.

Enfin, l’enjeu autour des certificats médicaux est également déontologique compte tenu des fortes relations d’interdépendance que l’on constate entre les corps médical et policier. Ceci est particulièrement vrai pour les services d’urgence, mais aussi dans les centres fermés et les prisons, où l’interdépendance entre corps médical et policier est particulièrement forte. Du côté du corps policier, des obligations légales et déontologiques comme l’usage proportionné des menottes, l’obligation de quitter la salle d’examen mais aussi de ne pas intercepter le certificat du/de la patient·e sont tout aussi essentielles. Ainsi, les différents contextes appellent à définir clairement le cadre de travail, la nécessité d’arbitrer entre la sécurité du personnel (qui est bien sûr essentielle) et les droits du patient, et une séparation claire des fonctions.

Pour conclure ce rapport, la LDH émet une série de recommandations. A ce titre, l’intégration du Protocole d’Istanbul dans la législation belge semble incontournable pour établir un cadre de référence en la matière. Un refinancement du secteur des soins de santé et de la justice est également nécessaire pour que les professionnel·le·s de ces deux secteurs puissent exercer correctement leur métier et prendre adéquatement en charge les personnes qui en ont besoin. Le rapport recommande également à la Ministre de l’Intérieur d’adopter une circulaire rappelant les obligations des forces de police en matière d’assistance médicale, notamment le strict respect des règles déontologiques policières et médicales. Les autorités médicales sont quant à elles notamment invitées à effectuer un rappel à toute la profession des obligations légales et déontologiques qui s’imposent dans le cadre de l’examen d’une personne privée de liberté et à ne pas transmettre de documents médicaux à d’autres personnes que le/la patient·e.

9 février 2021