Un recours contre des lois liberticides et contraires à la Constitution

Ce 12 septembre 2018, neuf associations déposent un recours devant la Cour constitutionnelle, garante des libertés fondamentales et des droits constitutionnels, pour faire annuler une série d’articles dans lesdites « lois Mammouth ». Surnom qui leur a été donné parce qu’elles réforment en profondeur la loi belge des étrangers, dont la procédure d’asile, en en modifiant plus de septante articles. Ce gigantesque remaniement vise à réduire drastiquement les droits fondamentaux des demandeurs d’asile et plus largement, de tous les étrangers.

S’il s’agissait au départ de transposer – avec plus de deux ans de retard – des refontes de directives européennes, le gouvernement s’est saisi de l’occasion pour adopter des dispositions qui entraînent un recul alarmant par rapport au droit des étrangers et aux garanties procédurales pour les demandeurs d’asile, par essence vulnérables.

Le gouvernement prétend vouloir simplifier le droit des étrangers en travaillant notamment à une codification du droit de la migration (processus par ailleurs très opaque). Il n’en est rien. Il s’agit au contraire d’une complexification de la procédure d’asile, où l’on réinstaure un filtre de la recevabilité, où l’on crée des catégories de demandeurs de « seconde zone » avec des procédures accélérées, voire expéditives, dans un climat de défiance généralisée.

Ces lois ont fait l’objet de critiques fouillées, émises par des ONG spécialisées, mais aussi par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, Myria et la Commission de la protection de la vie privée.

Ont, entre autres, été dénoncés : la possibilité de détention quasi systématique des demandeurs d’asile et des personnes en situation irrégulière ; le raccourcissement des délais pour contester une décision négative, qui met à mal le droit d’accès à un juge et permettrait de renvoyer de façon accélérée les demandeurs de protection vers des pays où ils risqueraient des traitements inhumains et dégradants ; la violation du respect de la vie privée et des garanties prévues par le RGPD en donnant accès sans véritable consentement aux téléphones et ordinateurs et en généralisant la capture de l’image faciale dans la prise de données biométriques pour les étrangers. Et de façon générale, le soupçon a priori de fraude ou d’abus des demandeurs en quête de protection…

La vision qui sous-tend ces lois fait écho aux autres mesures liberticides et attentatoires aux droits les plus fondamentaux prises par ce gouvernement en matière migratoire. Elle repose sur la stigmatisation des étrangers, auxquels sont systématiquement attribuées des caractéristiques inquiétantes : fraudeurs, abuseurs, indésirables, illégaux, criminels…

Qu’on ne s’y trompe pas. Ce qui se joue ici pour les étrangers et les demandeurs de protection est fondamental. Le recul de leurs libertés et de leurs droits fondamentaux sera demain celui de nos libertés et de nos droits, à toutes et à tous.

Signataires
• ADDE – Association pour le droit des étrangers
• CIRÉ – Coordination et Initiatives pour Réfugiés et étrangers
• Jesuit Refugee Service Belgium
• Liga voor Mensenrechten
• Ligue des droits de l’Homme
• Point d’Appui
• Syndicats des Avocats pour la Démocratie
• Service Droit des Jeunes
• Vluchtelingenwerk Vlaanderen

12 septembre 2018