Projet de loi Pandémie : de la nécessité d’une loi pour protéger la vie et la santé, pas seulement pour confiner et sanctionner

Ce 12 mars 2021 est une journée chargée pour la Ligue des droits humains : ses avocates plaideront en effet le matin devant le tribunal de première instance de Bruxelles suite au recours en référé introduit contre l’État belge avec la Liga voor Mensenrechten. Par ce recours, la Ligue et la Liga ont sollicité un débat au parlement et le constat de l’illégalité des mesures et des sanctions pénales adoptées par les arrêtés ministériels successifs. Elles demandent au tribunal de constater que le gouvernement a outrepassé ses compétences dans l’adoption de mesures contraignantes restrictives de liberté et sanctionnées pénalement sans débat parlementaire et sans l’adoption d’une loi.

Nous avons donc demandé un cadre légal et nous sommes précisément invité·e·s ce 12 mars à discuter de la future loi pandémie en commission Intérieur de la Chambre, afin de faire valoir notre point de vue. En l’état, l’avant-projet de loi que nous avons pu consulter reproduit largement les dispositifs mis en place par les arrêtés ministériels successifs. Le gouvernement semble donc vouloir simplement transformer en loi les mesures sanitaires adoptées et les sanctions pénales, sans renforcer de manière substantielle leur légitimité démocratique, puisqu’il n’est pas prévu de  confirmation législative des mesures prises par arrêté ministériel, et sans réelle remise en question des mesures. Le gouvernement ne prend ainsi aucun recul dans sa gestion de la crise sanitaire. 

Le propos de la Ligue des droits humains sur ce point a toujours été très clair : les mesures adoptées dans le but de protéger la vie et la santé et à des conditions de travail saines et sûres, même si elles sont incontestablement restrictives de liberté, sont légitimes. En ce sens, elles sont une mise en œuvre des obligations positives induites du droit à la vie, du droit à la protection de la santé et du droit à des conditions de travail convenables. Ceci implique qu’il revient au premier chef aux autorités publiques non pas de prévoir des mesures de police pour sanctionner le non-respect des règles de protection par l’ensemble de la population, mais bien d’abord et surtout de prévoir des mesures d’urgence et de santé publique pour garantir que ces droits soient respectés en temps d’urgence épidémique.

Il s’ensuit qu’il appartient aux autorités d’établir, dès à présent et en tirant parti des expériences positives et négatives, un plan d’action en cas d’urgence épidémique avec des mesures et modalités à activer en cas d’urgence, comme par exemple l’augmentation de la capacité hospitalière, l’augmentation de la capacité de testing, l’activation d’outils de suivi de contacts respectueux de la vie privée, la production locale d’équipements de protection, l’activation possible de capacités plus larges de production, des campagnes de communication sur les gestes adéquats, etc.

Ce plan d’action devra permettre de garantir en cas d’urgence épidémiques, l’accès à des soins de santé suffisants et adéquats à toutes les personnes et notamment les personnes les plus vulnérables (personnes âgées, personnes sans abri, personnes détenues, personnes précarisées, etc).

Ceci précisément afin d’éviter de devoir recourir à des mesures sanitaires restrictives de libertés telles que celles qui ont dû être mises en place, par défaut de préparation. Il convient de réfléchir dès à présent à ce plan, pour être prêt·e·s à l’activer lors d’une potentielle prochaine épidémie, pour pouvoir faire face à l’urgence en évitant au maximum les mesures de confinement.

Si toutefois de telles mesures sont rendues indispensables, un cadre légal est évidemment nécessaire. Il devra limiter au maximum le recours à des sanctions pénales et prévoir des réponses spécifiques pour protéger les plus vulnérables des conséquences collatérales des mesures de confinement, et notamment une aide alimentaire adéquate, des soins médicaux d’urgence et des aides spécifiques pour certains publics fragiles face à certaines mesures.

L’enjeu n’est pas seulement de créer un cadre légal pour encadrer les limitations de nos libertés, qui respecte le principe de légalité, de légitimité et de proportionnalité,  l’enjeu est aussi de se préparer à l’urgence de demain, en garantissant face à celle-ci, la protection la plus étendue possible de l’ensemble des droits et libertés de toutes et tous.

Le 12 mars 2021, Olivia Venet, présidente de la LDH, et Pierre-Arnaud Perrouty, directeur de la LDH, ont été auditionné·e·s en commission Intérieur de la Chambre au sujet de l’avant-projet de loi pandémie. Lire en ligne leur intervention.

12 mars 2021