Légalité des mesures Covid : la décision de la cour d’appel offre un délai supplémentaire pour l’adoption d’une bonne loi pandémie et donne un signal fort à la culture

Dans l’affaire qui oppose la Ligue des droits humains et la Liga voor Mensenrechten à l’Etat belge sur la légalité des mesures destinées à lutter contre la pandémie, la cour d’appel de Bruxelles vient d’ordonner la réouverture des débats au 18 mai 2021. Elle ne se prononce donc pas sur le fond et prévoit une nouvelle audience de plaidoiries pour tenir compte d’un avis rendu entre-temps par le Conseil d’Etat.

Contexte

Le 17 février 2021, la Ligue des droits humains et son équivalent néerlandophone, la Liga voor Mesenrechten, ont introduit une action auprès du tribunal de première instance de Bruxelles. L’objectif de cette action était de contester la légalité de la gestion de la crise sanitaire par le biais d’arrêtés ministériels et le recours à une base légale douteuse pour limiter les droits et libertés fondamentaux.

Quentin Dujardin, artiste guitariste qui milite depuis le début de la pandémie pour l’accès à la culture (voir notamment https://www.facebook.com/LibresEnsembleCAL/videos/1158927184537360  ) , s’est joint à l’action pour revendiquer son droit d’organiser des concerts dans le respect des mesures sanitaires acceptées pour les offices religieux.

Le 31 mars 2021, le tribunal a donné raison à la Ligue des droits humains et à la Liga voor Mensenrechten. La juge a condamné l’Etat belge à adopter une loi pour encadrer les mesures sanitaires pour le 30 avril 2021 au plus tard. S’il ne le fait pas, il devra alors soit lever les mesures, soit payer des astreintes. (Plus d’infos sur cette décision dans cette vidéo : https://fb.watch/57B52prlat/). Suite à cette décision,  l’Etat belge a immédiatement décidé de faire appel, c’est-à-dire saisir une juridiction supérieure pour obtenir la modification du jugement.

Le 12 avril 2021, les avocat·e·s des différentes parties (les Ligues, Quentin Dujardin et l’Etat belge) ont plaidé devant la cour d’appel.

La décision de la cour d’appel

Ce mardi 27 avril, la cour d’appel a décidé de laisser un délai supplémentaire aux différentes parties. Cela signifie qu’elles ont jusqu’au 18 mai pour préparer de nouveaux arguments pour tenir compte d’un avis rendu par le Conseil d’Etat [1].

La cour d’appel donne cependant déjà raison à Quentin Dujardin et estime qu’il y a actuellement un traitement discriminatoire entre l’exercice collectif du droit de participer à la vie culturelle et l’exercice collectif de la liberté de culte. Cette décision ne vaut que pour Quentin Dujardin mais offre de solides arguments juridiques à toute personne qui organiserait un événement culturel dans les mêmes conditions que celles imposées aux offices religieux et philosophiques et qui serait sanctionnée. C’est déjà une petite victoire pour le droit à la culture, pour lequel se bat le secteur culturel depuis le début de la crise sanitaire, notamment via le mouvement Still standing for Culture, soutenu par la LDH. Cela montre également qu’une approche par secteur n’a plus beaucoup de sens et qu’il faut tenir compte des conditions dans lesquelles les activités peuvent se tenir.

Les mesures sanitaires toujours en application

Les Ligues soulignent que les mesures sanitaires existent toujours. Elles doivent continuer à être respectées pour nous protéger tous et toutes, afin de limiter la propagation du virus. La question de la légalité des poursuites pénales, c’est-à-dire des amendes et autres sanctions en cas de non-respect des mesures sanitaires, reste cependant posée, au moins jusqu’à la décision de la cour d’appel. En d’autres termes, cela signifie que la Ligue des droits humains estime qu’il reste un débat autour de la validité des sanctions mais ne peut garantir que celles-ci soient déclarées illégales par toutes les juridictions.

Un délai supplémentaire pour la préparation de la loi pandémie 

En ce qui concerne le projet de loi pandémie, actuellement discuté au Parlement, les Ligues soulignent les enjeux essentiels de ce texte et considèrent que ce délai supplémentaire offert par la cour d’appel doit être mis à profit pour un examen serein du projet, de manière à garantir effectivement le respect du principe de légalité et le respect des droits fondamentaux.

[1]Le Conseil d’État est une juridiction administrative dont les fonctions sont d’une part de traiter des recours contre les actes administratifs émanant des autorités administratives (par exemple, l’Etat fédéral ou les régions), et d’autre part d’exercer une mission consultative pour des gouvernements belges (fédéral, régionaux et communautaires) dans les matières législatives et réglementaires.

Le 27 avril 2021