Dossier des rapatriements des ressortissants Soudanais : une victoire, vraiment ?  

Ce jour, la Cour d’appel a déterminé, que la LDH n’avait pas intérêt à agir au nom des Soudanais et a donc déclaré l’action irrecevable. Cela signifie-t-il, comme le secrétaire d’Etat à l’asile et à la migration le fanfaronne dans un tweet ce matin, qu’il a gagné ?

La LDH avait introduit, le 9 octobre dernier, une requête unilatérale auprès du Président du Tribunal de Première Instance de Liège visant à interdire préventivement des rapatriements illégaux à destination du Soudan, où les violations des droits humains et du droit international humanitaire sont établies et dénoncées. Le tribunal avait donné raison à la LDH, tant sur requête unilatérale qu’après avoir entendu les arguments de l’Etat belge sur tierce opposition. L’Etat avait interjeté appel contre cette décision.

Ce jour, la Cour d’appel a déterminé, que la LDH n’avait pas intérêt à agir au nom des Soudanais et a donc déclaré l’action irrecevable. Cela signifie-t-il, comme le secrétaire d’Etat à l’asile et à la migration le fanfaronne dans un tweet ce matin, qu’il a gagné ?

Si victoire il y a, c’est une victoire technique : la Cour d’Appel a déclaré irrecevable l’action de la LDH du fait que l’association n’avait pas d’ « intérêt à agir ».  La Cour ne s’est pas prononcée sur le caractère fondé de l’argumentaire de la LDH.

Rappelons à cet égard que la Cour constitutionnelle a rappelé dans son  arrêt 133/2013 du 10 octobre 2013 que l’Etat devait légiférer sur le droit d’action des associations. En l’état, la loi est inconstitutionnelle depuis quatre ans. Cette « victoire », il la doit donc  à une lacune juridique.

Ceci étant rappelé, le tweet victorieux du Secrétaire d’Etat  apparaît dans toute son indécence  à l’heure où des témoignages attesteraient d’exactions et de tortures commises sur les Soudanais renvoyés chez eux, suite à la collaboration du secrétaire d’Etat avec des représentants du régime dictatorial.

Et cette situation semble, malheureusement, nous donner raison quant au fond et légitimer notre action en justice.

Si la LDH n’avait pas agi, plusieurs Soudanais de détenus au centre fermé de Vottem auraient bel et été rapatriés à Khartoum avec, au bout du voyage, le risque d’être torturé. Le Secrétaire d’Etat  avait d’ailleurs été expressément  averti de ce risque (qui semble bien être avéré), sur base des conclusions et pièces déposées par la LDH. Outre le fait qu’il ne peut pas continuer à agir « comme s’il ne savait pas », il devrait plutôt se réjouir du fait que, grâce à l’action de la LDH, il a sans doute évité à d’autres ressortissants Soudanais de subir les violences subies par ceux qui n’ont pas eu leur chance.

Au final, il en va de la communication politique comme de cet arrêt :  la forme ne doit pas cacher le fond , les dernières révélations confirmant les risques que nous soulevions.

La LDH demande l’arrêt immédiat de toutes les expulsions vers le Soudan au nom du respect de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

21 décembre 2017