Un constat pour les défenseurs des droits des enfants : des violences policières de plus en plus fréquentes et graves à l’égard des mineurs d’âge

Dans un contexte mondial de dénonciation des violences policières et d’actes de racisme, la Belgique a été frappée de plein fouet[1]. Plaintes et témoignages se sont multipliés, mettant en lumière des comportements violents et disproportionnés de la part de certains membres des forces de police. Sans surprise, le constat que les mineurs d’âges ne sont pas épargnés saute aux yeux. Ils semblent même, dans certains cas, être particulièrement visés par ce type de violences.

Si tous les représentants des forces de l’ordre ne sont évidemment pas auteurs de ce type d’abus, et si des mesures sont déjà prises au sein des services de police pour sensibiliser aux violences policières et former les agents au comportement adéquat à adopter avec les mineurs, un Etat démocratique ne peut se satisfaire du statu quo actuel.

En effet, les acteurs de terrain constatent une aggravation des cas de violences policières à l’encontre de mineurs d’âge, plus particulièrement de mineurs vulnérables tels que des jeunes mis à disposition de la justice en raison de la commission de faits qualifiés infractions. Lorsqu’un jeune est arrêté pour ce type de fait, il est entendu par la police et le Parquet qui peuvent décider de le maintenir détenu jusqu’à sa comparution, dans les 48h, devant un Juge de la Jeunesse. C’est durant ce laps de temps que plusieurs cas d’abus d’autorité, extrêmement violents, graves et récurrents à l’égard de mineurs d’âges ont récemment pu être constatés. Citons à titre d’exemple le cas du jeune A., 16 ans, qui s’est fait arrêter suite à un vol simple de GSM. Lors de sa mise à disposition, il a subi des maltraitances extrêmes de la part de policiers. Il est arrivé devant le tribunal de la jeunesse défiguré, avec 8 dents en moins. Citons également le cas du jeune M. qui a comparu devant le juge de la jeunesse début juin 2020 avec des marques de coups à l’épaule et un bras cassé à la suite de son interpellation par les policiers.

Au sein de cette catégorie vulnérable que sont les mineurs, figurent des catégories encore plus vulnérables. Il s’agit des jeunes isolés comme les mineurs étrangers non accompagnés (MENA), qui vivent sans leurs parents ou leurs représentants légaux pour les protéger ou assurer leur entretien quotidien, ou encore les jeunes issus de milieux défavorisés, qui n’ont pas le soutien familial nécessaire pour les aider à déposer une plainte.

Sans représentants légaux, sans attaches, sans connaissances ni ressources en Belgique, incapables de parler nos langues, craintifs des conséquences que cela pourrait entraîner, les MENA sont la plupart du temps dans l’incapacité de dénoncer des agissements abusifs. Il y a donc peu de plaintes déposées et, lorsqu’il y en a, peu de suites y sont données.

Les associations signataires, impliquées dans la défense au quotidien des droits de l’enfant, appellent la justice à investiguer systématiquement les allégations de violences policières sur mineurs et à poursuivre les responsables. S’agissant d’une catégorie de justiciables particulièrement vulnérables, la gravité des coups et blessures constatés, qui ne peuvent en aucun cas découler d’un usage proportionné de la force, est d’autant plus inquiétante.

Nous rappelons que les mineurs sont par essence une population particulièrement fragile qui doit obtenir une protection de la part de la société, ce qui se traduit par la mise en place d’un système judiciaire dit « protectionnel » à leur égard.  Cette protection doit impérativement être chevillée à l’action des représentants des forces de l’ordre également.

A cette fin, des mesures préventives (information à jour, formation juridique poussée des policiers, etc.) doivent être poursuivies et développées au sein des forces de l’ordre. Mais la Convention européenne des droits de l’homme et la Convention internationale des droits de l’enfant imposent également que des mesures soient prises pour lutter contre l’impunité dont peuvent jouir certains auteurs. Dans cet objectif, les instances judiciaires (et en particulier les parquets) devraient développer des mesures d’aide et de soutien pour permettre aux mineurs les plus vulnérables d’agir lorsqu’ils sont confrontés à ce type de problèmes : audition et enregistrement systématique de plaintes, identification immédiate des auteurs présumés, procéder aux constats médicaux le plus promptement possible, etc. Face à ce type de situation, il est de la responsabilité du Parquet, garant de l’ordre public, de ne permettre aucune impunité. Ce type d’abus sur les plus vulnérables de notre société, les enfants, de surplus en situation de précarité et d’isolement, ne peut en aucun cas être toléré.

 

Signataires :
Ligue des droits humains
Service droit des jeunes
Observatoire International des Prisons – Section belge

[1] Voir notamment Police Watch, « Abus policiers dans le cadre du confinement : le rapport de Police Watch », 16 juin 2020 (https://www.liguedh.be/abus-policiers-dans-le-cadre-du-confinement-le-rapport-de-police-watch/).

10 juillet 2020