Pot-pourri V : le Ministre de la Justice élargit dangereusement la brèche ouverte dans le secret professionnel

La Commission Justice de la Chambre des représentants a adopté en première lecture le projet de loi communément appelé « pot-pourri V ». Les articles consacrés au secret professionnel changent, de manière particulièrement hasardeuse, les règles du secret professionnel que nous connaissons aujourd’hui. Un article prévoit notamment la possibilité de se délier de son secret professionnel dans le cadre de « concertations de cas » – en créant un article 458ter dans le Code pénal.

Ces concertations de cas (sur ce sujet, lire l’avis du service droits des Jeunes Quand secret professionnel et concertation de cas ne font pas bon ménage) seront organisées entre le parquet, la police et les intervenants psycho-médico-sociaux, en dehors de la présence de ceux qui livrent leurs secrets. Dans le texte voté en première lecture en Commission Justice, l’accord de ceux-ci n’est pas requis, ce qui porte atteinte au secret professionnel, base du travail social.

Le secret professionnel est en outre un élément essentiel de l’équilibre des pouvoirs entre l’Etat et le citoyen : le pouvoir de la police et de la justice n’est pas absolu et le secret professionnel protège des valeurs essentielles – droit de la défense, respect de la vie privée, nécessité d’avoir un espace de confidentialité permettant la confiance du demandeur d’aide.

En effet, le travail des intervenants psycho-médico-sociaux est basé sur le respect inconditionnel des personnes. Ceci implique de respecter leur parole, leur confiance. Ne pas respecter ce principe mettrait à mal notre travail quotidien.

Mais le secret professionnel n’est cependant pas absolu : le cadre juridique actuel permet aux professionnels de se libérer de leur devoir de se taire en cas de réel danger, que ce soit en matière  de protection de l’intégrité physique et psychique des personnes et de lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme. Par ailleurs, lorsque le secret est partagé avec d’autres personnes détentrices de secrets, il est essentiel de respecter les conditions du secret professionnel partagé. Or, ces conditions sont absentes du présent projet.

Peut-on espérer que les enfants, les jeunes et leur famille passent encore la porte des services d’aide et leur confient leurs difficultés s’ils savent que leur parole pourra être répétée, sans leur consentement, à d’autres intervenants, à un magistrat ou un policier ? Peut-on vraiment croire qu’une société où les demandeurs d’aide n’osent plus se confier sera garante de plus de sécurité ?

Les signataires demandent aux parlementaires fédéraux :
• De ne pas voter l’article 285 du projet de loi Pot-pourri V en l’état;
• Si un article 458ter devait introduire la concertation de cas dans le code pénal, d’y inscrire les conditions du secret professionnel partagé et exiger que la concertation de cas respecte ces conditions ;
• De préciser dans cet article que les intervenants invités à participer à la concertation de cas ont le droit de se taire et de ne pas divulguer de secrets. Préciser également qu’ils ont le droit de refuser de participer à cette concertation ;
• De préciser dans cet article que la concertation de cas doit rester une mesure exceptionnelle et de dernière alternative ;
• De préciser que cette concertation ne peut être organisée que par ou en vertu d’une loi, d’un décret ou d’une ordonnance ;
• D’inscrire dans cet article que les intervenants psycho-médico-sociaux ne pourraient participer à cette concertation que moyennant l’accord préalable et éclairé de la personne concernée ;
• De baliser, dans les codes de déontologie professionnels, la participation des travailleurs à une concertation de cas en prévoyant que celle-ci doit respecter scrupuleusement les règles du secret professionnel partagé ;
• De mener une réelle réflexion avec les acteurs de terrain, au sein des différents ministères concernés, sur les possibilités et difficultés pratiques d’une concertation de cas ;

Signataires :
Acteurs des temps présents, ADAS, AMO Atouts jeunesAMO Cars, AMO Le Toucan, AMO Rythme, AMO Samarcande, AMO TCC, AMOS, Atmosphères AMO, Barricades asbl, Bruxelles laïque, Centre d’appui bruxellois asbl, Centre d’appui bruxellois pour l’évaluation et l’orientation des auteurs d’infraction à caractère sexuel (CAB, SPF-Justice) , Centre Comète AMO, CGSP ALR LRB De Bruxelles, CNE non marchand, Collectif Riposte, Collectif de solidarité contre l’exclusion, Collectif des AMO de Bruxelles, Conseil bruxellois de coordination sociopolitique, Conseil d’éthique de l’Association des services de psychiatrie et de santé mentale de l’Université catholique de Louvain (APSY-UCL), CVTS, Défense des enfants DEI-Belgique, Dynamo AMO, Ecole en colère, Fédération des CPAS bruxellois, Fédération des CPAS de l’Union des Villes et communes de Wallonie, Fédération des CPAS wallons, Fédération des étudiant.e.s francophones, Fédération laïque de l’aide à la jeuness, Fédération nationale des psychologues praticiens d’orientation psychanalytique (APPPsy), FGTB Liège-Huy-Waremme, FGTB Wallonne, 
Forum Bruxelles contre les inégalités, Groupement Belge des omnipraticiens – Le monde des spécialistes (GBO-MoDeS), Inter-Fédérations de l’aide à la jeunesse, Jeunes FGTB Bruxelles, Jeunes CGSP Bruxelles, La CODE, La Gerbe AMO, La marche des migrants, Le CEMO, Ligue des droits de l’Homme, MOC, MOC Bruxelles, Observatoire de l’Enfance, de la Jeunesse et de l’Aide à la Jeunesse, Promo Jeunes AMO, Réalisation, Téléformation et Animation, Réseau Wallon de lutte contre la Pauvreté, Réalisation Téléformation et Animation (RTA), Service Abaka, Service droit des jeunes, SETCa, Solidaris -Mutualité socialiste, SOS Jeunes-quartier libre, Réseau des Initiatives Enfants-Parents-Professionnels, Réseau wallon pour l’accès durable à l’énergie, Tout Autre chose, Travailleurs sans emploi (CSC), Union professionnelle des Psychologues (Uppsy)

2 juin 2017

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