Plusieurs organisations travaillant dans le domaine des droits humains s’inquiètent des conditions de vie dans les maisons de repos (MR et MRS) et les services gériatriques des hôpitaux

La crise du Coronavirus rappelle à notre société qu’elle doit prendre plus et mieux soin des personnes âgées. Les trop nombreux décès en maison de repos liés à la Covid-19 et l’isolement souvent dramatique vécu par tant de leurs résidents durant le confinement montrent une nouvelle fois que le séjour en MR/MRS doit être mieux encadré et que notre société doit y consacrer plus de moyens c’est-à-dire entre autres plus de personnel.

Des problèmes structurels qui requièrent des changements

Au-delà de ce contexte d’épidémie particulièrement douloureux et depuis plusieurs années, les témoignages de maltraitance envers les aîné-e-s vivant en service gériatrique, maison de repos ou maisons de repos et de soins se multiplient. Une entrée en MR ou MRS représente toujours un bouleversement pour la personne âgée qui la vit : changement et parfois perte de repères, confrontation à sa propre dépendance ainsi qu’à celles des autres résidents, deuil de sa vie antérieure, implication souvent très limitée dans son propre projet de vie, etc.

Ces raisons, indépendamment de la Covid-19, justifient au moins trois types de mesures à prendre :

  • en faveur des résident-e-s en organisant le contrôle des conditions de vie par un mécanisme tiers,
  • en faveur du personnel en revoyant ses conditions de travail (cf ci-dessous) et en augmentant l’encadrement,
  • en reconnaissance des responsables les plus proactifs par la valorisation des hauts standards de qualité appliqués dans leurs institutions auprès des autres institutions.

Des problèmes ponctuels liés à la Covid-19 qui ne peuvent être passés sous silence

La crise que nous connaissons a rendu visible une série d’atteintes à la dignité, une entrave à l’autodétermination, un non-respect de l’intimité ainsi qu’une remise en question de la participation citoyenne des personnes âgées résidant au sein des structures résidentielles. Cette crise a ajouté des contraintes organisationnelles et relationnelles terriblement difficiles à vivre et supporter : restriction des visites, interdictions de sortie, non-remise ou remise tardive de colis à destination des résidents, accès limités aux soins de santé généraux et aux hôpitaux… Mentionnons encore parmi les témoignages reçus lors de cette crise, les problèmes de change de lange, l’oubli de distribution des repas, l’enfournement de nourriture, les brutalités, la suppression des quelques rares plaisirs du quotidien, etc. De manière générale, toutes ces dérives entraînent presque toujours une dégradation psychique, une perte de repères voire une perte progressive de langage.

Si bien entendu, il existe de nombreux établissements où les conditions de vie ont pu rester dignes grâce au travail d’endurance et d’humanité considérable du personnel qui doit être salué, force est de constater que les situations décrites constituent de graves restrictions de libertés alors que les MR/MRS sont des lieux de vie et ne peuvent, à l’évidence et sous aucun prétexte, ressembler à des lieux de privation de liberté.

Les organisations signataires du présent communiqué en déduisent deux constats devant générer des réformes urgentes.

Premièrement, les droits fondamentaux des aîné-e-s et ceux du personnel soignant sont indissociablement liés : on peut légitimement parier que plus les conditions de travail des soignant-e-s s’amélioreront, meilleures seront les conditions de vie des aînés. Ainsi, la crise a également exacerbé la

Deuxièmement, les organisations signataires du présent communiqué recommandent également de prendre en compte la spécificité des lieux de vie des aînés dans les services gériatriques des hôpitaux et les MR/MRS : bien que ces différentes institutions ne remplissent pas les mêmes fonctions, elles ont un caractère potentiellement « totalitaire » ou « totale » pour reprendre les termes du sociologue E. Goffman. Par conséquent, elles doivent être soumises, par principe et de tout temps, à un contrôle strict par des tiers, visant à garantir l’effectivité des droits fondamentaux des résident-e-s.

Une objectivation urgente des dysfonctionnements par un organe de contrôle tiers et totalement indépendant

Le fait de ne pas disposer de vision globale – tant qualitative que quantitative, – des dysfonctionnements constatés, est un problème en soi[1]. Afin d’y remédier, les organisations revendiquent prioritairement qu’un des organes de contrôle existants (tels qu’une Unité de délégués communautaires en lien avec Unia ou l’Institut fédéral des droits humains, les médiateurs/trices communautaires (agissant déjà dans les maisons de repos en Communauté Germanophone)) garantisse urgemment les droits fondamentaux des aîné-e-s[2]. L’objectif de ce contrôle est de garantir effectivement un cadre de qualité pour l’accompagnement et la prestation de soin. Il vient compléter le contrôle existant mais en offrant la garantie d’une totale indépendance[3].

De manière plus globale, les organisations signataires demandent que la question essentielle du projet de vie des aîné-e-s, au sein des institutions ou en-dehors de celles-ci, soit véritablement prise en main par nos élu-e-s et que les aîné-e-s puissent prioritairement avoir la possibilité d’être entendus et d’être impliquées dans les décisions qui les concernent. Elles revendiquent la nécessaire démocratisation du secteur de l’accueil des personnes âgées, en vue qu’elles demeurent, partout où elles vivent, de véritables titulaires de droits fondamentaux, avec une garantie de liberté, de dignité et de solidarité.

Signataires :

Ligue des droits humains
Liga voor Mensenrechten
Amnesty International Belgique francophone
Le gang des vieux en colère
ASBL Générations
Senior Montessori

[1] Comme en témoigne UNIA qui ne peut pas, en conséquence, généraliser les dysfonctionnements constatés dans son rapport de 2016 : http://ennhri.org/wp-content/uploads/2019/10/belgium.pdf
[2] Voyez au sujet des pratiques des INDH à l’étranger : http://ennhri.org/our-work/topics/rights-of-older-persons/
[3] Voyez à ce sujet les exigences du Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (OPCAT), dont la ratification par la Belgique est toujours attendue : https://www.liguedh.be/wp-content/uploads/2019/02/M%C3%A9morandum_LDH_2019.pdf.

Carte blanche publiée dans Le Soir

9 décembre 2020