La police n’a pas sa place à notre table du réveillon

Face à la crainte de voir le virus se propager durant les fêtes de fin d’année, la Ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden a annoncé ce 22 novembre que les autorités veilleront au respect des mesures sanitaires pendant les fêtes, précisant que « Si nécessaire, en cas de nuisances sonores par exemple, la police sonnera aux portes ». La Ligue des droits humains tient à rappeler que l’inviolabilité du domicile, inscrite dans la Constitution, est une  condition nécessaire à l’exercice des droits fondamentaux et donc une ligne rouge.   

Ce n’est malheureusement pas la première fois que la Ligue des droits humains rappelle aux autorités l’inviolabilité du domicile[1]. Ce fût notamment le cas dans le cadre du projet de loi visant à instaurer des visites domiciliaires pour permettre l’arrestation de personnes migrantes en séjour irrégulier, qui avait suscité l’indignation d’une large majorité de la population. Cette vague d’indignation n’a pas empêché la N-VA de redéposer une proposition de loi à la Chambre en 2019.

Le domicile est pourtant spécialement protégé en Belgique. L’article 15 de la Constitution en consacre le principe : « Le domicile est inviolable ; aucune visite domiciliaire ne peut avoir lieu que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu’elle prescrit ». Cette disposition doit être lue en lien avec l’article 22 de la Constitution belge qui fait obligation de respecter un autre droit fondamental, à savoir : « Chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi (…) ».

Ce lieu est en effet un élément vital du développement et de l’exercice des droits fondamentaux des individus. Sans domicile correctement protégé, d’autres libertés fondamentales, comme les libertés d’opinion, d’expression, d’association, peuvent se voir amoindries. L’inviolabilité du domicile est nécessaire à l’existence d’un État de droit démocratique, même si cette inviolabilité est relative car il y existe des exceptions.

L’une d’entre elle a été instaurée par la loi du 19 juillet 2018 qui modifie l’article 27 de la loi sur la fonction de police en autorisant des visites domiciliaires lorsqu’il y a un « caractère extrêmement grave qui menace la vie ou l’intégrité physique des personnes ». Selon le législateur, il s’agit « de véritables situations d’urgence dans lesquelles des personnes sont en réel danger. On peut citer les exemples de la détection d’une odeur de gaz dans un immeuble à appartements ou d’une inondation dans l’habitation d’un couple de personnes âgées ».

Selon le précédent Ministre de l’Intérieur[2], il serait permis sur cette base de considérer que les rassemblements et autres lock down parties entrent dans cette définition. Une telle interprétation pourrait être source d’abus et il conviendra d’être particulièrement attentif·ve·s à la manière dont les services de police exerceront leurs pouvoirs.

La Ligue rappelle que, pour le surplus, la législation n’a pas été modifiée et que les exceptions à l’inviolabilité du domicile qui préexistaient (flagrant délit, mandat d’un·e juge d’instruction, législation sur les stupéfiants, etc.) demeurent. Ces exceptions sont précisément des exceptions et elles ne peuvent amoindrir la règle : les services de police ne peuvent entrer dans votre domicile.

La Ligue des droits humains appelle à trouver un nécessaire équilibre dans le cadre de la lutte contre la pandémie. En temps de crise, le respect de tous les droits fondamentaux est essentiel. Si la santé de toutes et tous doit être une priorité, cette lutte ne peut pas se faire au détriment de nos droits et libertés. Chasser les potentiel·le·s contrevenant·e·s jusqu’à la table de Noël serait clairement disproportionné, politiquement, juridiquement et humainement.

[1] Pour plus d’informations, lire  « Le domicile : un lieu sous pression », article de Claude Debrulle dans l’Etat des droits humains – Rapport 2019

[2] Voir https://www.levif.be/actualite/belgique/lockdown-parties-la-police-peut-elle-faire-des-descentes-sans-permission-chez-des-particuliers/article-normal-1272789.html

23 novembre 2020