La lutte contre les violences policières : un combat légitime qui dérange

La Ligue des droits humains (LDH) a pris connaissance des propos de Philippe Pivin, député fédéral, qui, dans La DH Les Sports+ du 27 février 2021 [1], qualifie les publications de Police Watch, l’Observatoire des violences policières de la LDH, de “moteur de tensions sociales” qui “attise des mouvements anti-policiers” et dénonce des “propos inacceptables”. Il annonce en conséquence avoir demandé à la Ministre de l’Intérieur le “lancement d’une enquête” et rien moins qu’une “suspension anticipée des versements d’argent public” à Police Watch.

Ces propos, proches de l’intimidation, font écho à ceux tenus sur Sudinfo.be le 10 février 2021 par Vincent Gilles, président du SLFP Police, principal syndicat policier du pays, qui affirmait que la LDH était composée de “gens mal intentionnés” qui visent à “déstabiliser notre démocratie et notre État” [2]. Quelques mois plus tôt, ce même responsable syndical injuriait le directeur d’Amnesty International en direct sur le plateau de LN24. La violence de ces propos pose question : la LDH observe un durcissement du discours de certains syndicats policiers qui ont un poids important dans le fonctionnement de la police et dont les positions sont relayées par la voix de certains mandataires politiques. Ces attaques à répétition sont d’autant plus interpellantes que l’Inspection générale des services de police (AIG), qui dépend du SPF Intérieur, a elle-même contacté la LDH pour figurer sur le site Police Watch.

La LDH est une association qui défend et promeut les droits fondamentaux depuis plus de 100 ans. Elle est reconnue pour la rigueur de ses analyses, sa stricte indépendance par rapport à tout parti ou mouvement politique et son implantation dans le secteur associatif et militant. Elle couvre de nombreux sujets qui touchent aux droits humains, dont celui des violences policières. Police Watch, son observatoire des violences policières, se donne trois missions : informer, analyser et agir. Nous informons les citoyen·ne·s de leurs droits et de la meilleure manière de les faire respecter, nous rendons les abus visibles et objectifs grâce à la collecte et l’analyse de données, nous interpellons les autorités concernées pour obtenir un changement des réglementations comme des pratiques. C’est d’ailleurs dans ce but que la LDH a déjà rencontré à plusieurs reprises des autorités policières pour discuter des constats de Police Watch.

On en vient à se demander quels propos du site Police Watch seraient “inacceptables”. Les propos des victimes des violences policières repris dans les rapports ? Ceux par lesquels des médecins, des infirmier·ère·s déclarent qu’il existe des relations d’interdépendance entre le corps médical et la police ? Ceux qui découlent de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme ? Ou des rapports du Comité P ? Toutes les affirmations qui figurent sur le site sont le résultat d’un travail de recueil de témoignages, d’analyse de la législation, de la jurisprudence belge et internationale et de rapports officiels des instances compétentes.

On peut sans doute déduire de ce tir groupé que l’action de Police Watch dérange, ce qui est bon signe au vu de la gravité de la situation en Belgique aujourd’hui. Rappelons qu’en 2019, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies constatait « le décalage entre, d’une part, le nombre de plaintes alléguant des mauvais traitements par des policiers introduites auprès du Comité [P] et, d’autre part, le nombre d’enquêtes judiciaires menées par le Service d’enquêtes pour ces actes, de condamnations et de sanctions disciplinaires prononcées. »

La critique est légitime en démocratie et toute personne est évidemment libre de ne pas partager les analyses de la LDH en matière de violences policières. Par contre, l’injure ou la violence des propos n’aident personne à avancer et ne servent pas l’objectif premier auquel tout le monde devrait souscrire : limiter les cas de violences policières. Quant à la proposition de supprimer le financement d’une association parce qu’on ne partage pas ses analyses, elle est indigne du débat démocratique belge.

[1] N. Bensalem, « Philippe Pivin flingue l’observatoire des violences policières de la Ligue des droits humains : « c’est anti-policier ! » », DH Les Sports, 27 février 2021.

[2] F. De Halleux, « Bashing pour déstabiliser la police… et l’Etat ! », Sudinfo.be, 10 février 2021.

4 mars 2021