Handicap intellectuel et inclusion scolaire : Le Comité européen des Droits sociaux condamne la Belgique

Photo représentant des élèves dans une classe de primaire

Ce mercredi 3 février 2021, Le Comité européen des Droits sociaux a rendu publique sa décision concernant la réclamation collective Fédération internationale des Droits humains (FIDH) et Inclusion Europe c. Belgique (Réclamation n° 141/2017). Au terme d’une procédure de plus de 4 ans, le Comité a donné raison aux organisations réclamantes et condamne ainsi la Belgique, et plus particulièrement la Fédération Wallonie-Bruxelles, pour le manque d’efforts consentis pour l’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap intellectuel (type 2).

Nous nous réjouissons des conclusions adoptées par le Comité qui reconnait sans ambiguïté l’existence d’une violation de la Charte sociale européenne (révisée). Le Comité conclut à l’unanimité qu’il y a :
violation de l’article 15§1 de la Charte aux motifs que le droit à l’éducation inclusive des enfants ayant une déficience intellectuelle n’est pas effectivement garanti en Communauté française de Belgique ;
violation de l’article 17§2 de la Charte au motif que les enfants atteints d’une déficience intellectuelle ne jouissent pas d’un droit effectif à l’éducation inclusive en Communauté française.

Origine de la démarche

En 2015, un groupe de parents d’Inclusion ASBL a souhaité mener des actions pour promouvoir l’éducation inclusive en FWB, partant du constat que l’accès à l’école ordinaire pour leurs enfants était extrêmement complexe, voire impossible. Différentes actions ont été entreprises. La réclamation collective du 18 janvier 2017 contre l’État belge en est une.

Que reproche-t-on à la Belgique ?

De ne pas se conformer aux obligations de la Charte sociale européenne (révisée), qu’elle a pourtant ratifiée en 2004 : d’après les associations réclamantes, elle ne déploie pas assez d’efforts pour favoriser l’inclusion des enfants porteurs d’un handicap intellectuel dans les établissements ordinaires de niveau primaire et secondaire dépendants de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Pourquoi le DGDE et UNIA s’associent-ils aux organisations réclamantes ?

Le DGDE et UNIA partagent le reproche fait à la Belgique. Les deux institutions ont communiqué leur analyse de la situation au Comité européen des Droits sociaux. Elles se sont basées sur les conventions des Nations Unies dont elles assurent le respect, à savoir la Convention relative aux droits de l’enfant et la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Nos demandes :

En concertation étroite avec les associations représentatives des personnes en situation de handicap intellectuel, des organisations de lutte contre la discrimination / de défense des droits des personnes en situation de handicap et de défense des droits de l’enfant, nous demandons à la Fédération Wallonie-Bruxelles :

  1. d’adopter un plan de transition vers une école inclusive. Les objectifs fixés par le Pacte pour un Enseignement d’excellence restent encore trop peu ambitieux. Ce plan sera assorti d’échéances claires et d’indicateurs afin d’évaluer la poursuite des objectifs ;
  2. de prendre en compte sans ambigüité les élèves ayant un handicap intellectuel dans l’ensemble des dispositions visant à rendre le système scolaire plus inclusif. Nous pensons notamment au futur décret relatif aux pôles territoriaux, à la règlementation concernant les aménagements raisonnables et à la réforme de l’orientation et de la formation initiale des enseignants. Les moyens financiers alloués aux pôles devront être en mesure de réaliser pleinement cette ambition [1]. Ils devront aussi permettre d’apporter un accompagnement à ces élèves par des professionnels formés (orthopédagogues, logopèdes) ;
  3. de prévoir des incitants pour soutenir les écoles développant une réelle politique inclusive. Parmi ces mesures, on peut notamment envisager une révision de la pondération dans le calcul du nombre d’élèves [2] ;
  4. de créer un « budget d’éducation personnalisé » à destination des élèves et des familles [3];
  5. d’intégrer le soutien scolaire par des professionnels compétents (ergothérapeutes, logopèdes…) au niveau des dispositifs d’aide individuelle de l’AViQ, de Phare et d’Iriscare et revaloriser les moyens des services d’accompagnement en milieu scolaire ;
  6. de renforcer la formation initiale et continue des enseignants et créer une filière courte/cours du soir pour la formation en orthopédagogie.

QUELQUES CHIFFRES
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C’est le nombre d’élèves du type 2 (déficience intellectuelle modérée à sévère) ayant bénéficié d’un projet d’intégration en 2019. Ces élèves sont répartis comme suit : 53 en maternelles, 45 en primaires, 0 en secondaires. Cela représente moins de 1 % de l’ensemble des enfants en intégration.
870 000 = Population scolaire totale 38 000 = nombre d’enfants inscrits dans l’enseignement spécialisé – 6.709 = nombre d’enfants en intégration

Le mercredi 3 février 2021, une conférence de presse est organisée avec les représentants des organisations signataires et Madame la Ministre Caroline Désir ou son porte-parole. Cette conférence de presse est accessible en ligne sur la page Facebook de la Ligue des droits humains.

Signataires :

Délégué général aux droits de l’enfant

Fédération internationale pour les droits humains

Inclusion asbl

Inclusion Europe

Ligue des droits humains

Unia

[1] Les pôles devront permettre de répondre à tous les besoins, qu’ils soient moteurs, sensoriels et/ou intellectuels. Bien que des dispositifs d’intégration alternatifs soient maintenus (IPT, classes à visée inclusive), ils ne répondent pas suffisamment aux obligations en matière d’inclusion et ne peuvent être qu’une solution résiduaire lorsque les autres dispositifs n’ont pas pu permettre le développement d’un projet inclusif satisfaisant pour l’élève. L’IPT implique un passage obligé d’au moins un an dans l’enseignement spécialisé : c’est inacceptable et cela constitue un retour en arrière considérable. Qui va déterminer a priori si un élève relève de la compétence des pôles ou de l’enseignement spécialisé ? L’expérience montre qu’une fois les élèves engagés dans un parcours scolaire dans l’enseignement spécialisé, le passage vers l’enseignement ordinaire est extrêmement compliqué, voire impossible. Par ailleurs, un passage par le spécialisé ne présente aucun intérêt pour l’enfant. Les classes à visée inclusive constituent une des réponses à certains besoins mais elles ne doivent pas être l’unique moyen d’envisager l’ « inclusion » des élèves avec des besoins d’accompagnement plus importants (handicap intellectuel, troubles du comportement, notamment).

[2] En fonction des besoins de l’élève, nous pouvons imaginer de revaloriser la pondération afin de réduire la taille du groupe classe et allouer des moyens suffisants pour son accompagnement. Par exemple, un élève avec un handicap intellectuel ou autisme modéré à sévère compte au minimum pour 3 ou 4 enfants.

[3] Un enfant qui fréquente l’ES coûte beaucoup plus cher à la FWB. Lorsque l’enfant se trouve dans l’EO, ce différentiel pourrait-il être utilisé pour financer un accompagnement adapté choisi par la famille et/ou l’école ?

Mercredi 3 janvier 2021