« La non-discrimination par la police est une priorité absolue pour moi. La lutte contre le profilage ethnique en fait partie intégrante. Il n’y a pas de place pour le racisme dans notre société, pas même dans la police », a déclaré la ministre Verlinden en réaction à la campagne annuelle de lettres d’Amnesty International Flandre il y a quelques mois. Néanmoins, la ministre préfère ne pas parler d’un problème structurel : « Pour l’instant, je ne dispose pas de suffisamment de données pour parler d’un problème structurel de profilage ethnique au sein des services de police . » Il est grand temps de collecter plus de données.
Le 25 mai 2021, non par hasard un an après la mort de l’Américain George Floyd, l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) a publié un nouveau rapport sur la discrimination policière à l’encontre des minorités en Europe qui montre clairement que la police arrête plus souvent et plus sévèrement les personnes issues de l’immigration. Ces chiffres confirment ce qui est connu et reconnu depuis longtemps tant par les forces de police que par les citoyen·ne·s soumis·es à de tels contrôles.
Des exemples frappants montrent que le profilage ethnique va au-delà des cas isolés et que des solutions structurelles sont nécessaires. L’année dernière, Pierrette Herzberger-Fofana, une eurodéputée allemande des Verts, a été brutalement arrêtée à Bruxelles parce qu’elle avait pris une photo d’une action de la police et il y a de fortes chances que des motifs racistes et discriminatoires aient joué un rôle dans la façon dont elle a été traitée. Par ailleurs, dans une enquête réalisée par le Conseil de la jeunesse de Bruxelles, quatre jeunes sur cinq disent se sentir en danger lorsqu’ils entrent en contact avec la police.
Plusieurs cas de profilage ethnique et de brutalité policière ont été médiatisés l’année dernière. Nombre de ces témoignages ont confirmé le pouvoir des images et ont également montré une résistance et une prise de conscience visiblement croissantes. Selon le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD), il est temps de s’attaquer au profilage ethnique dans la police.
Le CERD a récemment publié ses recommandations sur la politique belge de lutte contre le racisme. Le Comité critique, entre autres, l’absence d’une interdiction légale explicite du profilage ethnique. Comme le CERD, la plateforme ‘Stop au profilage ethnique’ plaide pour une telle interdiction. Groen-Ecolo a récemment soumis un projet de loi qui va dans ce sens et veut inclure une interdiction générale de la discrimination dans la loi sur la police. Il est également utile et nécessaire d’interdire explicitement le profilage ethnique afin d’indiquer clairement à tous les policier·ère·s et citoyen·ne·s ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas. En outre, une telle interdiction peut servir de tremplin à d’autres mesures politiques.
La publication récente du rapport de l’Inspection générale (AIG) confirme la nécessité de disposer de chiffres clairs sur les violences policières illégales, le racisme et la discrimination. Le profilage ethnique en fait invariablement partie. Il y a deux ans déjà, les représentants du CD&V, de Groen, de la N-VA, de l’Open VLD, du PVDA et du Vooruit ont déclaré, lors d’une soirée-débat organisée par Amnesty International, qu’ils étaient favorables à l’enregistrement des contrôles d’identité. Aujourd’hui, nous constatons progressivement des progrès, même s’il s’agit d’un long processus. Le projet de loi Groen-Ecolo déjà mentionné, par exemple, préconise l’enregistrement des contrôles d’identité. Afin de lutter contre le profilage ethnique, la discrimination et le racisme au sens large, il est important de collecter des données sur l’ethnicité, car tant qu’il n’y a pas de bons chiffres, il reste difficile d’identifier les pratiques discriminatoires et d’examiner et de réviser ses propres pratiques si nécessaire.
Lorsqu’en juillet 2020, quatre districts de police ont lancé un cadre pour le profilage professionnel afin de prévenir le profilage ethnique, la plateforme ‘Stop au profilage ethnique’ a salué cette initiative mais a en même temps insisté pour que cette initiative soit étendue à d’autres districts de police en Belgique. A ce jour, il apparaît qu’elle n’a été introduite que dans quatre zones de police, ce qui témoigne d’une politique d’intégrité fragmentée. Il existe encore de bons exemples, mais ils sont rares. Cette situation contraste fortement avec celle des Pays-Bas, où les bonnes pratiques sont activement partagées via une base de données.
Lors de l’évaluation de la Belgique dans le cadre de l’Examen périodique universel (UPR) du Conseil des droits de l’homme des Nations unies (ONU), le 5 mai 2021, une grande attention a également été accordée au profilage ethnique, à la violence policière et au racisme. En réponse aux nombreuses recommandations des États membres de l’ONU, la vice-première ministre Wilmès, qui représentait la Belgique, a également montré sa volonté de prendre des mesures contre le profilage ethnique. Un an après le lancement de la plateforme contre le profilage ethnique, beaucoup de choses se sont passées. Mais nous ne pouvons pas nous arrêter aux annonces et aux plans : des solutions et des changements vigoureux sur le terrain sont nécessaires pour mettre fin aux contrôles discriminatoires, lutter contre l’impunité et instaurer la confiance.
Opinion publiée par la campagne ‘Pas Normal ?! – Stop au profilage ethnique’ qui réunit sept organisations belges de défense des droits humains, de travail de jeunesse et de lutte contre la discrimination, ainsi que l’activiste Yassine Boubout, contre le profilage ethnique par la police belge.
16 juin 2021