Coronavirus : la détention des personnes migrantes en centre fermé est devenue illégale

OPINION Dans le contexte de crise sanitaire majeure que nous vivons actuellement, il est urgent que les autorités mettent fin à la détention des personnes migrantes en centres fermés et prennent toutes les mesures afin que les demandeur·ses d’asile qui résident dans les structures ouvertes soient protégé·es.

Trois motifs évidents plaident pour une fermeture immédiate des centres fermés : le respect du droit, la situation sanitaire des détenu·es et du personnel des centres et enfin l’évitement de nombreuses procédures qui mobiliseront de nombreux·ses magistrat·es, greffier·es et avocat·es.

Sur le plan du droit, le principe fondamental veut que la détention administrative d’un·e étranger·e ne soit autorisée qu’en vue d’assurer son éloignement le plus rapidement possible.

Si l’éloignement devient hypothétique voire impossible, la détention n’est plus légale.

Comme l’a pertinemment relevé le juge des libertés et de la détention de Lille ce mardi 17 mars 2020 : « Dans un contexte où de nombreux pays ferment leurs frontières et où les vols au départ du territoire français sont suspendus a minima pour 30 jours, la perspective d’éloignement de l’étranger, si elle n’est pas totalement absente, apparaît des plus hypothétiques dans le délai de rétention« .

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Dans le même sens, toujours en France, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté recommande sans ambages « de procéder sans délai à la fermeture temporaire des centres et locaux de rétention administrative » et cela car « dans un contexte de réduction drastique des vols internationaux, la perspective de reconduite des personnes retenues est mince, voire illusoire« [2].

La Belgique est, comme la France, confrontée à la fermeture des frontières de nombreux Etats d’origine des personnes actuellement détenues et à la réduction drastique des vols internationaux.

Dans ces conditions, l’éloignement de ces personnes est parfaitement illusoire, et leur détention illégale.

Sur le plan sanitaire, le respect des directives de l’OMS qui recommande des mesures pour limiter les risques d’exportation et d’importation du COVID 19 s’oppose clairement à la poursuite de la détention dans les centres fermés.

Faut-il rappeler les conditions de promiscuité propres à ces centres ? Cette situation n’est pas acceptable sur le plan sanitaire ni pour les personnes détenues, ni pour le personnel de ces centres.

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté dénonce cette situation : « Il a été indiqué au CGLPL que l’on observe dans certains centres une absence totale d’information de la population retenue, un hébergement collectif dans la promiscuité, le maintien de la restauration collective et un défaut complet de protection, tant de la population retenue que des fonctionnaires de police. Dans de telles conditions, l’Etat manque à son obligation de protéger à la fois ses agents et les personnes qu’il a lui-même placées sous sa garde.« 

Sur le plan du respect des mesures de confinement, il serait purement et simplement incompréhensible de mobiliser magistrat·es, greffier·es et avocat·es sur de nombreuses procédures alors qu’une mesure générale permettrait de mettre fin à cette situation illégale.

La situation est exceptionnelle. Elle impose pour respecter le droit et les mesures sanitaires de fermer immédiatement les centres fermés du pays.

En outre, les autorités doivent prendre les mesures les plus sérieuses dans les plus brefs délais afin d’assurer à tou.tes les demandeur·ses d’asile accueilli·es dans les centres ouverts des conditions de vie dignes et sûres.

Madame la Première Ministre, vous avez insisté à maintes reprises sur l’importance de se soucier des plus précaires et vulnérables. Afin que cet encouragement ne demeure pas un voeu pieux, nous vous demandons, Madame la Première Ministre, de fermer immédiatement les centres fermés et de prendre toutes les mesures qui s’imposent afin que les personnes qui vivent dans les structures ouvertes soient protégées.

Version originale et signataires

18 mars 2020