Légalité des mesures Covid – La Cour d’appel réforme la décision du Tribunal de première instance : le recours aux arrêtés ministériels n’est pas manifestement illégal mais pose question en terme de respect de nos libertés

Dans l’affaire qui oppose la Ligue des droits humains et la Liga voor Mensenrechten à l’État belge sur la légalité des mesures destinées à lutter contre la pandémie, la cour d’appel de Bruxelles vient d’infirmer la décision du tribunal de première instance qui avait condamné l’État belge à adopter une loi pour encadrer les mesures sanitaires. Elle estime donc qu’il n’y a pas d’illégalité suffisamment manifeste dans l’adoption des mesures sanitaires actuellement en vigueur. Toutefois, la Cour questionne la conformité du processus avec nos droits et libertés fondamentales. Rappelant qu’elle n’est pas compétente pour contrôler la constitutionnalité des lois, la Cour d’appel renvoie la balle à la Cour constitutionnelle, dans une procédure. La Ligue des droits humains et la Liga voor Mensenrechten vont analyser cette décision et étudier l’opportunité d’introduire un pourvoi en cassation. 

Rétroactes : le 17 février 2021, la Ligue des droits humains et la Liga voor Mesenrechten, introduisaient une action auprès du tribunal de première instance de Bruxelles. L’objectif de cette action était de contester la légalité de la gestion de la crise sanitaire par le biais d’arrêtés ministériels et le recours à une base légale douteuse pour limiter les droits et libertés fondamentaux. Le 31 mars 2021, le tribunal avait donné raison à la Ligue des droits humains et à la Liga voor Mensenrechten en condamnant l’État belge à adopter une loi pour encadrer les mesures sanitaires pour le 30 avril 2021 au plus tard. En cas de non respect de cette décision, l’État belge devait lever les mesures ou payer des astreintes. Suite à cette décision, l’État belge avait immédiatement décidé de faire appel, c’est-à-dire saisir une juridiction supérieure pour obtenir la modification du jugement. Le 27 avril, la cour d’appel de Bruxelles avait ordonné la réouverture des débats, ne se prononçant donc pas sur le fond et prévoyant une nouvelle audience de plaidoiries pour tenir compte d’un avis rendu entre-temps par le Conseil d’État. Le 30 avril, bien qu’aucune base légale n’ait été adoptée, la LDH a fait savoir qu’elle ne souhaitait pas exécuter les astreintes à ce stade, estimant que la priorité devait être le débat public et démocratique pour aboutir à une loi solide et respectueuse des droits et libertés de tou·te·s les citoyen·ne·s.

Ce 7 juin 2021, la cour d’appel de Bruxelles a infirmé la décision du Tribunal de première instance et rejeté la demande des Ligues, estimant que les mesures, en apparence, ne semblent pas manifestement illégales. La Cour a toutefois constaté que le processus posait de sérieuses questions en termes de respect de droits fondamentaux, tels que consacrés par la Constitution et la Convention européenne des droits de l’Homme. En particulier, la Cour d’appel s’interroge sur la constitutionnalité des lois qui ont été invoquées comme bases légales pour les arrêtés ministériels. Rappelant qu’elle n’est pas compétente pour contrôler la constitutionnalité des lois, la Cour d’appel renvoie la balle à la Cour constitutionnelle, qui est saisie de deux questions préjudicielles sur la constitutionnalité des lois invoquées comme bases légales pour les mesures covid. La Ligue des droits humains est partie intervenante à cette procédure et pourra donc y exposer ses arguments.

Les Ligues prennent acte de cette décision et étudient l’opportunité d’introduire un pourvoi en cassation. Pour autant, les Ligues soulignent que l’objectif de cette action en justice était principalement d’instaurer un véritable débat parlementaire afin d’aboutir à une loi respectueuse des droits humains, des libertés publiques et du principe de légalité. Au regard du travail actuellement mené au parlement, les Ligues estiment avoir partiellement atteint cet objectif en encourageant le débat parlementaire. Elles appellent le parlement à adopter sans tarder un texte respectueux de l’équilibre des pouvoirs et des droits fondamentaux.

Lire l’arrêt de la Cour d’appel.

7 juin 2021