Le droit de filmer l’action policière n’est pas un trouble à l’ordre public

Ce 17 décembre, au cours d’une opération policière en gare d’Ottignies, des migrant·e·s ont fait l’objet d’une arrestation dans un train. Un passager qui a filmé la scène avec son téléphone portable aurait alors été brutalisé par un membre des forces de l’ordre. Le policier concerné lui avait auparavant ordonné d’arrêter de filmer, sous la menace d’une arrestation pour trouble à l’ordre public. Ce que l’intéressé a refusé de faire à juste titre en faisant valoir ses droits. Mais en subissant visiblement des conséquences injustifiées telles que des violences physiques et une arrestation administrative.

Les images prises par l’intéressé montrent clairement qu’il se bornait à exercer son droit citoyen de collecter des images d’une opération policière en cours et qu’il a fait l’objet d’une intervention abusive par les forces de l’ordre. Il suffit de consulter cette vidéo pour s’en rendre compte: https://www.dailymotion.com/video/x6z56co?fbclid=IwAR1DJXaoLpDcOHiTk5-8L3KoWxJWYpeOu1r_5FNXbUkxMv2JW3wvyWhOvJE

Quelques semaines après l’affaire Diégo Dumont, cet incident pose une nouvelle fois la question du droit de filmer les interventions policières dans l’espace public, droit essentiel en démocratie.

La Ligue des Droits Humains constate qu’il ne s’agit malheureusement pas de cas isolés. Des témoignages lui sont régulièrement adressés indiquant que la police refuse, empêche, arrête, voire porte plainte contre des individus qui filment une intervention. Ce comportement illégal touche parfois même les journalistes professionnel·le·s.

La LDH juge dès lors important de rappeler, tant aux personnes concernées qu’aux membres des forces de l’ordre, qu’il n’existe aucune interdiction générale de photographier ou filmer les actions de la police. Hormis certains cas exceptionnels et limités, les citoyen·ne·s et journalistes ont le droit de filmer ou photographier des interventions policières, que ce soit pour informer ou récolter des preuves du déroulement des événements. Selon la Commission européenne pour la démocratie par le droit du Conseil de l’Europe (« Commission de Venise »), les Etats ne doivent pas « empêcher les participants et les tiers de photographier ou de filmer l’opération de police (…) ».

En outre, le Tribunal de police du Brabant Wallon, division Wavre, vient récemment de rappeler que « le simple fait de filmer la scène du contrôle ne parait être de nature en lui-même à être contraire à la sécurité ou à la tranquillité publique » (Tribunal de police du Brabant Wallon, Division Wavre, Jugement 2018/233 du 12 novembre 2018). De même, la Cour européenne des droits de l’homme vient encore récemment de rappeler que:  » Il n’y a pas de doute quant au fait que le comportement des agents dans l’exercice de leur autorité publique et les possibles conséquences de ce comportement sur

[les individus] sont d’intérêt public ” (CEDH, arrêt Toranzo Gomez c. Espagne, 20 novembre 2018).

La LDH demande une nouvelle fois au Ministre de l’Intérieur de rappeler aux forces de l’ordre qu’elles ne peuvent interdire aux personnes de les filmer pendant leurs interventions: filmer une intervention policière n’est pas en soi un trouble à l’ordre public.

Signataires :

La Ligue des droits humains, la Plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés Bruxelles et la CNAPD.

19 décembre 2018

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