Institut fédéral pour la protection et la promotion des droits de l’Homme : un pas en avant qui laisse beaucoup de questions en suspens

La Chambre des représentant-e-s a voté hier la proposition de loi portant création d’un Institut fédéral pour la protection et la promotion des droits de l’Homme. De quoi s’agit-il ? Et faut-il s’en réjouir ?

Un institut national des droits humains (INDH) est une institution nationale à même de contrôler le respect des droits fondamentaux en Belgique, transmettre et appliquer les normes internationales au niveau national et transférer l’expertise en termes de droits humains des instances régionales et internationales.

Il s’agit donc d’un organe officiel, chargé de contrôler le respect des droits humains en Belgique. Si certains organes officiels existent déjà dans certains secteurs (UNIA, MYRIA, IEFH, APD, etc.), certains autres ne sont pas couverts (libertés religieuses, droits économiques, sociaux et culturels, discriminations linguistiques etc.). La mise en place d’une telle institution est en effet nécessaire pour combler les lacunes et les limites de l’architecture institutionnelle actuelle en matière de protection des droits fondamentaux.

De nombreux organes internationaux de contrôle du respect des droits fondamentaux – que ce soit des Nations Unies ou du Conseil de l’Europe –, recommandent depuis de nombreuses années à la Belgique de mettre sur pied une telle institution, conformément aux Principes concernant le statut et le fonctionnement des institutions nationales pour la protection et la promotion des droits de l’Homme (Principes de Paris).L’Etat belge s’y est engagé à plusieurs reprises, tant aux niveaux national qu’international. Cela figurait d’ailleurs dans le dernier accord de gouvernement. C’est donc pour combler cette lacune que cette proposition de loi a été adoptée.

Si l’on peut se réjouir de ce pas en avant, un certain nombre de questions demeurent sans réponse.

Pour quelles raisons ?

Tout d’abord, les droits fondamentaux constituent une matière transversale, qui touche aux compétences de toutes les entités du pays. En tant qu’instance de contrôle global de la situation des droits fondamentaux en Belgique, l’INDH doit pouvoir contrôler le respect et la mise en œuvre des droits et libertés dans toutes les matières qui font l’objet de l’action publique, que celles-ci relèvent de l’Etat fédéral, des régions ou des communautés. L’un des apports de cette nouvelle institution devrait être de contribuer à clarifier les responsabilités de chaque entité du pays dans la mise en œuvre des obligations internationales de la Belgique liées aux droits humains. Or, vu la réticence de la NVA, il ne s’agit que d’une instance fédérale… qui ne couvre donc pas toutes les prérogatives des entités fédérées.

Ensuite, les prérogatives de cette institution sont relativement limitées. Il ne sera par exemple pas possible pour les individus de la saisir d’une plainte. L’Institut est en effet plutôt conçu comme un organe consultatif, ce qui risque de grandement limiter ses possibilités d’actions.

Enfin, le risque qu’il s’agisse d’une coquille vide est réel. En effet, sans un investissement budgétaire, humain et politique important dans cette structure, celle-ci risque de ne pas pouvoir prendre la pleine et entière mesure des enjeux de défense des droits fondamentaux en Belgique.

Pour toutes ces raisons, la Ligue des Droits Humains se réjouit de cette avancée mais reste extrêmement réservée quant à la véritable portée de cette évolution. Adoptée en fin de législature sans véritable débat, des questions légitimes sur l’élargissement de ses compétences, sur sa saisine de plaintes par des particuliers, sur les moyens mis à sa disposition sont, à ce jour, sans réponse.

La Ligue des Droits Humains continuera, lors de la prochaine législature, à défendre l’avènement d’une véritable INDH compétente pour le respect de tous les droits fondamentaux applicables en Belgique et dotée des moyens à la hauteur de sa mission.

26 avril 2019