État des droits humains en Belgique : la LDH publie son rapport annuel

La Ligue des droits humains publie son rapport annuel : l’État des droits humains en Belgique, qui a pour vocation de faire le point sur l’année écoulée. Pour cette édition 2019, nous avons décidé de prendre au sérieux l’idée de lieux pour les enjeux qu’ils posent en termes de droits fondamentaux. Des plus évidents comme les prisons, aux plus diffus comme les injustices environnementales, la visite de ces lieux nous permet de dresser un bilan nuancé mais néanmoins préoccupant de l’année écoulée.

2019, une année sombre pour notre démocratie. Alors que la Belgique fête les 100 ans du suffrage universel (ou plutôt semi-universel puisque, jusqu’en 1948, il est réservé aux hommes), une marée noire s’abat sur le pays lors des élections européennes, fédérales et régionales du 26 mai. En Flandre, près d’un·e électeur·rice sur deux a voté pour un parti nationaliste ou d’extrême droite. Les conséquences pour le respect des droits humains sont potentiellement importantes. Parallèlement, la composition de la Cour constitutionnelle, contre-pouvoir essentiel au fonctionnement de notre démocratie, a fait l’objet d’un vif débat suite à la candidature de deux femmes d’origine étrangère. La LDH ne conteste pas l’intérêt d’un débat serein et intelligent sur la composition de cette Cour mais regrette que ce débat se soit focalisé sur des cas individuels et ait été marqué par des interventions au caractère sexiste et raciste.

Si l’on dit souvent que l’état d’une démocratie peut se juger à l’aune de l’état de ses prisons, c’est aussi vrai des centres fermés, des commissariats de police et des autres lieux d’enfermement. Reconnu responsable de la surpopulation carcérale, l’État belge a été condamné une nouvelle fois à ramener le nombre de détenu·e·s dans les prisons de Saint-Gilles et Forest au nombre de places correspondant à la capacité maximale autorisée, sous peine d’astreintes. Pour lutter contre cette surpopulation, l’Etat n’a rien trouvé mieux que de construire une « méga » prison, à Haren, dont les travaux devraient s’achever en 2020.  On ne cessera de le répéter : construire plus de prisons ne résoudra pas l’inflation carcérale, la solution passe pas l’infléchissement des politiques pénales. Même scénario pour les centres fermés dont le dernier gouvernement a décidé d’augmenter le nombre de places disponibles, ce qui est aussi inutile que dispendieux. La lutte contre les centres fermés a cependant connu une importante victoire lorsque le Conseil d’Etat a suspendu l’arrêté royal qui autorisait l’enfermement des familles en séjour irrégulier avec leurs enfants. Il faudra rester particulièrement attentif·ive·s à la position du prochain gouvernement sur cette question.

Du côté de la justice, un cruel manque de moyens financiers et humains persiste. De nombreux acteur·rice·s du monde judiciaire n’ont pas manqué de rappeler qu’une justice indépendante et efficace est une condition essentielle de la démocratie et de l’État de droit. Elle est également un outil indispensable à la cohésion sociale et à l’équilibre des institutions.

2019, c’est aussi l’année d’une importante victoire pour le droit d’informer et la liberté d’expression à l’issue du procès « DON’T SHOOT ». Le tribunal de première instance de Bruxelles a en effet donné raison aux organisateur·rice·s de l’exposition, dont la LDH, en reconnaissant le droit de publier des images non floutées de la police dans l’exercice de ses fonctions dans l’espace public.

Le dossier « ventes d’armes » a continué de faire parler de lui suite à l’annulation de licences d’exportations vers l’Arabie saoudite par le Conseil d’Etat, notamment en raison de l’absence d’un examen minutieux de la question des droits fondamentaux au royaume wahhabite. Cette décision rappelle toutefois avec force que la mauvaise gestion et l’opacité qui règnent en matière de délivrance de licences d’exportations d’armes sont pour le moins problématiques.

Enfin, 2019 a aussi été marqué par d’importantes mobilisations. Une première journée de grève des femmes, le 8 mars, a réuni plusieurs milliers de citoyen·ne·s, féministes et solidaires. Des milliers de personnes sont également descendues dans la rue à de nombreuses reprises pour dénoncer l’inaction du gouvernement face au changement climatique. Ce qui n’a malheureusement pas suffi à faire passer la « loi climat » au Parlement. Protection de l’environnement et droits humains étant chaque jour plus étroitement liés, la LDH a créé une Commission Environnement pour s’emparer de ces enjeux. Son objectif n’est pas de construire une expertise technique en matière d’environnement, ni même de droit de l’environnement, mais de chercher à relier les questions environnementales et climatiques aux droits fondamentaux.

Un état des lieux qui nous amène à constater que les défis restent nombreux et qu’il n’y a qu’à travers un engagement collectif que nous pourrons les relever.

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31 janvier 2020