Réfugiés : quand l’Europe militarise sa stratégie

Thème : immigration – 24 avril 2015 – Ce serait une première: l’Europe compte mettre en place des opérations militaires pour lutter contre le trafic de réfugiés. Et l’humanitaire? Réaction d’Alexis Deswaef, Président de la LDH, publiée dans le quotidien Vers l’Avenir.

«Un rassemblement d’égoïstes!» Le président de la Ligue des Droits de l’Homme Alexis Deswaef espérait autre chose, « naïvement », de ce Conseil européen.

Ce sommet avait été convoqué d’urgence hier à Bruxelles pour répondre au drame des migrants en Méditerranée, après la tragédie qui a fait près de 800 morts dimanche.

« Je me disais: l’ampleur du drame est telle que des hommes et des femmes d’État vont émerger. Or, ils ne sont pas à la hauteur des enjeux », constate l’avocat. Qui commente les axes principaux du plan européen.

1. Lutter contre les passeurs par des opérations militaires
Ce serait une première pour l’Europe. Les 28 États membres s’engagent à tout faire pour « identifier, capturer et détruire les bateaux avant qu’ils ne soient utilisés par les trafiquants ». Ce qui impliquerait «d’accepter des pertes humaines ». Alexis Deswaef se dit très perplexe. «Dans les États de droit, il y a des procédures pour ça. On peut saisir les bateaux, juger les trafiquants d’êtres humains… J’espère au moins qu’on s’assurera qu’il n’y a plus personne à bord avant de couler les bateaux

2. Tripler le budget alloué aux missions maritimes de protection des frontières
«Les opérations de sauvetage Mare Nostrum (arrêtées en décembre 2014, NDLR) n’étaient pas la panacée mais c’était plus efficace pour sauver des vies », rappelle Alexis Deswaef. Triton et Poséïdon ont pris le relais via Frontex, l’agence chargée de surveiller et de protéger les frontières. « L’Europe s’enfonce dans une approche sécuritaire plutôt que dans une approche humanitaire. Or, la priorité est là aujourd’hui. Theo Francken (secrétaire d’État à l’Asile et aux Migrations) a dit que ça créait un appel d’air quand on s’approchait trop des côtes libyennes. Ne pas sauver des vies pour ne pas créer d’appel d’air. C’est d’un cynisme… Mais jusqu’à combien de morts est-on prêt à aller pour ne pas donner de “mauvais signal” aux migrants?»

3. Accueillir en Europe au moins 5 000 réfugiés reconnus
«J’ai déjà cru qu’il manquait un ou deux zéros quand j’ai lu que la Belgique se disait prête à accueillir 250 réfugiés de plus en deux ans… C’est une blague? Alors 5 000 pour l’Europe par rapport à l’ampleur du désastre humanitaire, je regrette de le dire, c’est du foutage de g… Comment l’Europe espère-t-elle conserver du crédit sur le plan international? C’est ça, sa réponse à la crise humanitaire?» s’indigne-t-il.«La politique, c’est parfois prendre des décisions courageuses, qui vont à l’encontre de l’opinion publique. Avec pédagogie, on peut rappeler que ceux qui se noient en Méditerranée ne valent pas moins que nous. Un homme est un homme, une femme est une femme!»