Transfert de Salah Abdeslam : la LDH saisit la Commission européenne

Bruxelles, le 16 février

Une semaine après l’extradition de Salah Abdeslam, la Ligue des droits humains a introduit une plainte pour manquement au droit de l’Union européenne devant la Commission européenne. Elle veut dénoncer une nouvelle violation de l’État de droit par l’État belge. En dépit d’une décision de justice qui l’en empêchait, le parquet fédéral a décidé de remettre Salah Abdeslam à la France pour qu’il y purge sa peine à la suite de sa condamnation pour les attentats de Paris.

Cette plainte introduite par la Ligue des droits humains entend alerter la Commission européenne sur une nouvelle violation de l’État de droit par la Belgique. Il n’est pas ici question de la crise de l’accueil – toujours en cours et emblématique de la violation de l’État de droit – mais du transfert de Salah Abdeslam, qui a eu lieu le 7 février dernier, en dépit d’une décision de justice qui interdisait ce transfert au parquet fédéral.

Justifier ce transfert sur des bases erronées

Cette décision a été prononcée en octobre 2023 par la cour d’appel de Bruxelles. Depuis lors, la France a fait tierce opposition contre cet arrêt. L’affaire aurait dû être plaidée ce lundi 12 février 2024. Le parquet fédéral a justifié sa remise à la France sur des bases erronées, voire mensongères, notamment en agitant une potentielle libération de Salah Abdeslam, terroriste condamné dans le procès des attentats de Paris et de Bruxelles, si la Belgique s’était retrouvée sans titre légal pour le maintenir en détention. Or, c’est faux puisque Salah Abdeslam a également été condamné à 20 ans d’emprisonnement dans le cadre de l’affaire de la rue du Dries. La Belgique possédait bien un titre de détention valable.

Lecture partielle et partiale de la jurisprudence européenne

Le parquet fédéral évoque aussi une jurisprudence européenne selon laquelle une procédure civile ne peut être considérée comme un obstacle à l’exécution d’un mandat d’arrêt européen. Mais selon la Ligue, le parquet en fait une lecture partielle et partiale puisqu’ici, il ne s’agissait pas de procédure pendante, mais bien d’une décision judiciaire en bonne et due forme. Par ailleurs, la jurisprudence européenne impose également que les risques de traitements inhumains et dégradants soient examinés, ce qui était précisément l’objectif de cette procédure.

Cette manœuvre du parquet fédéral a été notamment dénoncée par le bâtonnier de Bruxelles, le président de section émérite de la Cour de cassation et l’Association Syndicale des Magistrats.

Sauvegarder l’État de droit

Il ne s’agit pas ici de prendre la défense de Salah Abdeslam en lui-même, mais bien de sauvegarder l’État de droit. Lorsqu’une juridiction rend une décision qui déplaît à l’État, celui-ci doit malgré tout la respecter. C’est l’un des fondements de tout État démocratique. Or, depuis quelques années l’Exécutif tend à se considérer comme non lié par les décisions judiciaires qui lui sont défavorables. Cela a commencé avec des personnes en situation irrégulière, particulièrement vulnérables. Cela se poursuit avec des personnes condamnées pour terrorisme, comme Salah Abdeslam ou Nizar Trabelsi. Demain, à qui le tour ?

En 2021, dans le dossier de l’Autorité de protection des données, l’intervention de la Commission européenne avait été déterminante. La Ligue des droits humains attend de la Commission européenne qu’elle rappelle une fois encore à la Belgique ses obligations qui découlent de l’État de droit, à commencer par le respect des décisions de justice.