Affaire Trabelsi : une question de respect de l’État de droit

Bruxelles, le 29 septembre 2022

Les avocat.e.s belges de Nizar Trabelsi ont envoyé un communiqué de presse ce mardi 27 septembre attirant l’attention sur l’arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles du 12 septembre dernier. Que dit cet arrêt ? Entre autres choses que l’État belge viole des décisions judiciaires, et ce, de manière répétée. Cette affaire met en lumière, de manière crue, le fait que le respect de l’État de droit semble être à géométrie variable pour les autorités belges.

Rétroactes

Nizar Trabelsi est un ressortissant tunisien condamné en Belgique pour une tentative d’attentat sur la base militaire américaine de Kleine Brogel. En aveu, l’intéressé a été condamné et a purgé la totalité de sa peine en Belgique. A l’issue de celle-ci, il a été remis aux autorités américaines par les autorités belges, en violation flagrante des injonctions claires de la Cour européenne des droits de l’homme, qui devait statuer sur le dossier de l’intéressé. Cela a valu à la Belgique une sévère condamnation par la CEDH et fait naître les premiers doutes sur la volonté de l’État belge de respecter les décisions judiciaires.

Saga judiciaire

Ces doutes n’ont par la suite plus jamais été levés. En effet, les juridictions belges ont rendu pas moins de quatre décisions judiciaires enjoignant à l’État belge de respecter ses obligations, sans que celui-ci ne daigne respecter ces injonctions. Dans ces conditions, pouvons-nous espérer que les autorités belges respectent cette 5ème décision ?

Car ce qu’il en résulte, c’est notamment le fait que Mr Trabelsi est soumis à des graves violations de ses droits fondamentaux en détention aux États-Unis, ce qu’attestent différentes instances onusiennes (voir entre autres ONU, 25 Feb 2022, United States of America, JAL, USA 1/2022), et qu’il est soumis à des poursuites contraires au principe non bis in idem, en vertu duquel nul ne peut être jugé ni condamné deux fois pour les mêmes faits.

État belge, quo vadis ?

Comme le souligne la Cour d’appel, la responsabilité des autorités belges est claire : « l’État belge a donc fait délibérément et consciemment le choix de céder aux instances des autorités américaines et de méconnaître ses obligations » et « sans la violation de cette injonction [de la Cour européenne des droits de l’homme], (…) l’appelant n’aurait donc été, ni incarcéré, ni poursuivi pour quelque fait que ce soit aux États-Unis, et il n’encourrait pas le risque d’être condamné aux États-Unis, pour quelque peine que ce soit ».

La question qui se pose maintenant est la suivante : comment va réagir l’État belge ? Va-t-il se soumettre à l’arrêt de la Cour d’appel et informer les témoins belges appelés à témoigner aux États-Unis de ce que ce qu’ils contribueraient, ce faisant, à la violation du principe non bis in idem ? Va-t-il indemniser Nizar Trabelsi pour ses années de détention aux États-Unis et prendre en charge ses frais médicaux ? Va-t-il solliciter le retour de Nizar Trabelsi sur le territoire belge ? Ou alors, plus simplement, va-t-il à nouveau refuser d’appliquer une décision de justice limpide et remettre un peu plus en cause le respect de l’État de droit ?

Afin de connaître les intentions de la Belgique, la Ligue des Droits Humains et la Liga voor mensenrechten vont, comme elles ont déjà pu le faire par le passé dans le cadre de ce dossier, solliciter une rencontre avec le ministre de la Justice et avec la ministre des Affaires étrangères. En espérant que leurs réponses soient cette fois-ci à la hauteur des enjeux en présence.