La Belgique avait jusqu’au 12 janvier pour se mettre en conformité avec le RGPD, le règlement général sur la protection des données, et régler les conflits d’intérêts et incompatibilités légales qui mettent à mal l’indépendance de l’Autorité de protection des données. L’ultimatum était posé par la Commission européenne qui a lancé une procédure d’infraction contre notre pays en juin dernier. L’échéance arrivée, la Ligue des droits humains regrette que l’action du Parlement ne poursuive pas l’objectif sincère de remettre d’aplomb cette institution essentielle pour la démocratie.
Pour répondre aux dysfonctionnements pointés du doigt par la Commission européenne, le Parlement a décidé à la mi-décembre de lancer une procédure de levée de mandats, comme le lui permet l’article 45 de la loi de 2017 portant la création de l’APD. Cette procédure vise deux personnes : le président et directeur du secrétariat de l’APD, David Stevens, ainsi que Charlotte Dereppe, la directrice de la première ligne de l’APD.
D’une part, la Ligue des droits humains regrette que le Parlement mobilise indistinctement cet article à l’encontre de deux situations qui diffèrent pourtant en tous points : David Stevens est notamment soupçonné de conflits d’intérêts pour avoir participé au début de la pandémie – malgré ses deux rôles à l’APD – à la Task force « Data against corona ». Pour rappel, cette Task force discutait notamment déjà de tracing digital (comme évoqué en Commission par le ministre De Backer) et des projets du gouvernement sur lesquels l’APD devait ensuite se prononcer. Ce qui est reproché à Charlotte Dereppe est, en grande partie, son absence aux réunions du comité de direction, sans que ceci ne soit replacé dans le contexte délétère dans lequel baigne l’APD depuis que ces conflits d’intérêts ont été révélés par la directrice en question et sa collègue Alexandra Jaspar qui a démissionné en décembre dernier.
D’autre part, la Ligue des droits humains s’étonne aussi que le Parlement n’ait entrepris aucune démarche à l’encontre de Frank Robben et Bart Preneel, membres externes du Centre de connaissances de l’APD. Ils sont pourtant dans le viseur de la Commission européenne pour incompatibilités légales et la loi mentionnée ci-dessus permettait de questionner leurs positions. La Ligue des droits humains se proposait d’ailleurs de contribuer à clarifier les circonstances dans lesquelles il y a conflits d’intérêts et/ou incompatibilités légales. Le Parlement n’a pas jugé bon de l’entendre. La Ligue des droits humains a donc pris la liberté d’écrire à la Commission européenne pour lui faire part de ses observations sur les dysfonctionnements de l’Autorité de protection des données. La lettre est consultable ici.
Pour la Ligue des droits humains, il est difficile de comprendre les récentes démarches du Parlement fédéral dans ce dossier. Un Parlement qui semble dépenser plus d’énergie à organiser un marchandage politique qu’à œuvrer sincèrement à restaurer l’indépendance de l’APD. La Ligue appelle par ailleurs le Parlement à se questionner sur l’opportunité de revoir dans une nouvelle loi la réorganisation de l’APD, alors qu’il a aujourd’hui tous les outils pour effectuer un contrôle sérieux sur cette institution primordiale dans ce contexte de crise sanitaire et de crise de défiance des citoyen·ne·s à l’égard des autorités. La Ligue maintient sa demande d’être auditionnée au Parlement pour apporter son éclairage sur ce projet de loi et tenter autant que possible de ne pas reproduire les erreurs du passé.
Le 14 janvier 2022