Le droit à l’humour

Faut-il rire de tout ? Doit-on rire de tout ? Les questionnements sont nombreux et ont le mérite de ne pas cantonner l’humour à une réaction zygomatique en réaction à une plaisanterie. L’humour se perçoit de façon multiple selon divers aspects. Le contexte, la période historique, le lieu, les acteurs sont entre-autres immanquablement liés à la carte mentale qu’ont les gens de l’humour. Tellement vrai qu’une même situation, plaisanter de la royauté par exemple, permise il y a plusieurs siècles, se voit aujourd’hui tiraillée dans notre susceptible démocratie.

 Même s’il faut distinguer le rire de l’humour, il n’y a pas de moment pour rire de tel ou tel sujet, y compris de choses sensibles comme le racisme, sujet assurément délicat. Rien ne justifie de créer un ensemble de catégories, qui ferait exception. On ne peut pas objectiver l’humain, par contre, rire avec une intention humoristique -et non dans le but de faire du mal-, permet de désacraliser, de déconstruire des stéréotypes et ouvre au dialogue et à la critique objective. Soyons tolérants face à la dérision, privilégions l’autodérision à la susceptibilité. Ou, dit autrement, rire de tout pour plus de démocratie, même si pour certains, et c’est bien normal, le pas n’est pas évident à franchir.

L’humour participe expressément de la liberté d’expression et du droit de critique.

Bernard Mouffe a analysé divers cas de jurisprudence qui démontrent que le juge tolère l’humour, cette forme particulière d’expression. En regard de la liberté d’expression, le droit subjectif à l’humour doit être toléré. L’humour est sagesse quand se prendre trop au sérieux fait place à la tolérance et la dérision. Rire de tout, c’est accepter d’être à tour de rôle le moqueur et le sujet de la moquerie.

La jurisprudence en la matière permet de conforter que l’humour est un droit subjectif et donc opposable devant les tribunaux. Et les juges sont plutôt favorables à l’humour en regard des nombreux cas où ces derniers ont considéré que l’intention n’était pas de blesser intentionnellement (effet réellement dommageable) mais bien de réaliser un acte humoristique (de « bon » ou de « mauvais » goût), en d’autres termes, le juge appréciera la bonne ou mauvaise foi de l’humoriste.

« L’humour, c’est quand on rit quand même » – D. Lussier 

« Le droit à l’humour » par Bernard Mouffe, Collection Création Information Communication, Editeur : Larcier, 2011, 592 pp