Introduction to Surveillance Studies

Si l’idée prévaut généralement que nous vivons dans une société de la surveillance, il ne faudrait pas oublier que la surveillance a toujours existé, certes sous des formes plus « primitives » qu’aujourd’hui. Car l’avènement des nouvelles technologies de l’information et de la communication a rendu ces techniques de surveillance plus sophistiquées et plus omniprésentes. Par ailleurs, il ne faudrait pas envisager la surveillance comme un « grand complot » fomenté par des forces obscures, pas davantage que de penser que la surveillance est le fruit des nouvelles technologies.

Dans son ouvrage « Introduction to Surveillance Studies », J.K. Petersen nous propose d’abord de resituer rapidement la surveillance dans une perspective historique (depuis la lentille par exemple jusqu’aux débuts de l’informatique), avant de se lancer dans une analyse détaillée des différentes technologies et techniques de surveillance : optique, aérienne, audio, radio, GPS, informatique sous différentes formes, biochimique, animale, biométrie et génétique. Une étude très fouillée – il faut dire que l’auteure a été durant 25 ans professeure et consultante en informatique et en télécommunications – qui permet de mieux comprendre les divers mécanismes de surveillance et leur champ d’application. L’ouvrage nous emmène aux confins de la science-fiction et de la guerre et nous ouvre les yeux sur de nombreuses technologies parfois familières et d’autres beaucoup plus pernicieuses. Mais où l’on retrouve toute la rigueur et la recherche scientifique caractéristique de J.K. Petersen.

Après cette partie plutôt technique, l’auteure se penche sur la réalité du déploiement des systèmes de surveillance, l’utilisation de ces équipements et leurs éventuels abus ainsi que la responsabilité (ce que les anglo-saxons appellent l’accountability) face à la mise en place des systèmes de surveillance, tant dans les espaces publics que privés. L’ouvrage se termine (avant la traditionnelle, mais très riche, section sur les références, le glossaire et l’index) par la présentation des libertés fondamentales et une réflexion sur l’équilibre à trouver entre respect de la loi et vie privée. Comme l’auteure est Américaine, cet aspect est évidemment abordé sous l’angle américain, avec des réalités et des sensibilités souvent bien différentes de celles que connaissent les pays européens (notamment).

Petersens n’élude nullement les controverses liées aux technologies de la surveillance et se dit soucieuse de présenter les avantages et les dangers liés à ces technologies, leur impact collectif ainsi que leur évolution future. Cela dit, il ne faudrait pas penser que replacer la surveillance dans ses contextes technologique et législatif nous dispense de réfléchir à ses aspects humains et sociaux. La plus grande vigilance s’impose d’autant plus que les technologies évoluent très rapidement et que leur généralisation peut devenir synonyme de banalisation. Le citoyen et la société doivent jouer leur rôle de garde-fou, sans pour autant négliger les avantages liés à la surveillance. D’ailleurs, l’auteure conclut sa préface en précisant que « avant que la surveillance n’érode complètement notre liberté personnelle, peut-être faudrait-il repenser la technologie qui nous a pris au piège afin de nous libérer. »

Cet ouvrage est susceptible d’intéresser particulièrement les professionnels de la surveillance (experts en sécurité, militaires et juristes notamment) ainsi que les étudiants, les journalistes et les sociologues. Sans oublier les personnes intéressées par la protection de la vie privée et des libertés constitutionnelles.

« Introduction to Surveillance Studies », J.K. Petersen, éditions CRC Press, 2012, 416 p. (ouvrage en anglais)