Gazer, mutiler, soumettre. Politique de l’arme non létale

Face aux violences policières et aux atteintes aux droits fondamentaux, la politique dans nos sociétés modernes a consisté ou à les ignorer, ou à exhiber des outils supposés non létaux. Dans son livre, Paul Rocher – économiste et diplômé de Science-Po Paris – analyse le « lien entre crise du maintien de l’ordre et recherche de solutions technologiques pour y remédier » ; l’ambition de cette analyse étant de jeter de la lumière sur l’usage de la violence (légitime) par l’État. 

L’ouvrage présente maintes occurrences où les armes non létales – gaz lacrymogènes, armes à impulsion électriques (tasers), lanceurs de balles de défense, etc. – ont servi. Le développement de ces armes est lié à celui des arsenaux militaires, et elles gagnent de plus en plus d’importance dans le maintien de l’ordre au sein de la société. Dans le débat politique, les justifications défendant le caractère éthique des armes non létales ne manquent pas. L’auteur s’interroge sur leur nature en s’appuyant sur diverses sources et statistiques, explique succinctement la généalogie des armes non létales et fournit des contre-arguments aux discours fréquemment prononcés par les autorités étatiques. 

Il existe en effet un flou autour des pratiques policières ; les autorités ont bien souvent présenté les armes non létales comme des outils irréprochables, mais dans les faits les expériences et le vécu de nombreux·ses manifestant·e·s contestent cette image éloignée de la réalité. Le problème ne se réduit pas seulement à la dangerosité de ces instruments, la question du rapport des agents·e·s de police à l’utilisation proportionnée et consciencieuse de ces gadgets est aussi importante. Sur cette question, l’approche du livre permet d’aborder plusieurs problèmes : l’usage de la violence légitime, la déontologie et la transparence dans les affaires publiques (plus particulièrement en matière de pratiques policières)celui de la responsabilité de l’État face à la violence… Le texte met en cause l’État français, pointe les dérives qui menacent, et dénonce les discours et les actions qui remettent en question la problématique et font obstacle aux voies de solution. 

Bien que le propos se situe en France, les éléments de son analyse conservent leur pertinence dans toutes les situations ailleurs dans le monde où l’on trouve des mécanismes étatiques similaires et où la police est (ou pourrait être) dotée des mêmes outils de répression. 

Paul Rocher, Editions La fabrique, 2020, 200 p.