On ne dira jamais assez que le journalisme est nécessaire en démocratie.
Le public a le droit d’être informé de manière fiable pour se forger une opinion éclairée sur les enjeux de société et l’action des autorités publiques. Il s’agit autant de droit à l’information que de contrôle démocratique. C’est en ce sens que la Cour européenne des droits de l’Homme qualifie les médias de « chiens de garde de la démocratie », au même titre que les organisations de défense des droits fondamentaux. Afin de pouvoir remplir ce rôle, les médias doivent être libres et indépendants mais le journalisme a également un coût. Et c’est encore plus vrai pour le journalisme d’investigation qui nécessite du temps et n’est pas toujours rentable.
Exercer le métier de journalistes peut aussi être dangereux dans plusieurs régions du monde où les journalistes risquent en vrac harcèlement, arrestation ou même meurtre. Des médias peuvent aussi être suspendus ou interdits par le pouvoir en place. En Russie, le 28 mars dernier, l’arrêt de Novaïa Gazeta, le journal emblématique de Dmitri Mouratov, Prix Nobel de la paix en 2021, et d’Anna Politkovskaïa, assassinée en 2006, marque la fin des médias indépendants. Au sein de l’Union européenne, si le degré de violence n’est pas le même, les meurtres de journalistes existent aussi, le plus souvent en lien avec des enquêtes sur des faits de corruption.
Pour autant, le principal danger qui guette les journalistes qui exercent en démocratie est d’ordre financier. Les poursuites judiciaires se multiplient et même si l’immense majorité n’aboutit pas à une condamnation, elles visent principalement à intimider en réclamant des sommes importantes et à obliger les journalistes à consacrer du temps et de l’argent à leur défense. Les autorités européennes réfléchissent dès lors à introduire une protection contre ces poursuites abusives (SLAPP). Une autre manière de se protéger est de travailler en consortium : des journalistes de plusieurs pays enquêtent sur un même sujet. Technique qui présente les avantages de répartir la charge de travail, de tenir compte des contextes nationaux mais aussi de répartir les risques.
Les médias peuvent avoir recours à des canaux sécurisés pour obtenir des informations sensibles. Ces dispositifs contribuent à renforcer le secret des sources mais sont insuffisants pour les lanceur·euses d’alerte qui choisissent d’être identifiés publiquement. Il est donc nécessaire de transposer la directive européenne sur la protection des lanceur·euses d’alerte, transposition dans laquelle la Belgique accuse du retard. Tout comme il est nécessaire de s’opposer au détournement de lois pour attaquer des journalistes ou des lanceur·euses d’alerte. Le cas de Julian Assange est emblématique à cet égard : privé de liberté à Londres depuis 12 ans pour avoir révélé des informations sensibles, jamais condamné pour ces faits et en passe d’être extradé aux Etats-Unis, avec finalement assez peu de monde pour s’en émouvoir.
Good night and good luck ?
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