Sans-abrisme : le Conseil d’État annule la dernière circulaire concernant l’adresse de référence pour les sans-abris

Bruxelles, le 26 mai 2025

C’était une décision très attendue du secteur de l’aide aux personnes sans-abri : le Conseil d’État vient d’annuler la dernière circulaire concernant l’adresse de référence pour les sans-abris. Cette adresse peut être établie chez une personne physique, une asbl ou – ce qui est le plus fréquent – un CPAS. Elle est essentielle pour les personnes sans domicile fixe parce qu’elle leur permet d’avoir une « existence administrative » et leur ouvre l’accès à plusieurs droits. Une décision du Conseil d’État qui tombe au moment où l’on dénombre en Belgique plus de 50.000 personnes sans logement.

Des dispositions portant atteinte à la vie privée et à la protection du domicile

La circulaire entrée en application le 7 juillet 2023, sous le gouvernement fédéral précédent, avait pour objectif de préciser et coordonner les directives en matière d’adresse de référence pour les sans-abri. Mais, cette nouvelle circulaire engendrait des conséquences préjudiciables tant pour les hébergé·es que les hébergeant·es, portant ainsi atteinte à la vie privée des uns et à la protection du domicile des autres. Les nouvelles dispositions administratives prévoyaient par exemple le transfert forcé du lieu de résidence. Des personnes pouvaient alors être domiciliées contre leur gré dans une institution ou chez un tiers lorsqu’elles y avaient une adresse de référence depuis 3 mois. Ces dispositions autorisaient également des enquêtes abusives en ce qui concerne la réalité d’une résidence. Elles portaient atteinte au secret professionnel auquel sont tenus les membres du personnel des CPAS. Enfin, la circulaire dans le viseur des associations de l’aide aux personnes sans-abri prévoyait aussi une durée trop courte pour considérer qu’une personne est “sortie du sans-abrisme”.

Une existence administrative ouvrant l’accès à différents droits

Dans certaines situations, les règles prévues par la circulaire pouvaient aller jusqu’à causer la perte de leur adresse de référence. Or, ce type d’adresse est vital pour une personne qui n’a pas de domicile (fixe). Elle leur permet d’avoir une « existence administrative », d’être “en ordre” et ainsi, de recevoir son courrier, des convocations, d’accéder à ses droits (pension, mutuelle, chômage, dépôt de plainte…) et certains services (banque, téléphone…).

Une circulaire à portée réglementaire

Toutes ces nouvelles règles, détaillant les étapes d’une procédure à suivre obligatoirement, allaient donc bien au-delà de ce qui se trouve dans les lois existantes. Et c’est parce qu’il n’appartenait pas aux Ministres d’imposer de nouvelles règles dans une circulaire, contournant ainsi l’obligation de soumettre les dispositions ayant une portée réglementaire à l’avis de la section de législation du Conseil d’Etat, que l’acte a été annulé. L’annulation laisse donc entières les critiques et objections de fond formulées par le secteur de la protection des personnes sans-abri.

Une inscription au Registre de la population peut suffire

La quinzaine d’associations (dont la Ligue de droits humains, asbl DIOGENES vzw, Front Commun SDF asbl, ADAS asbl, New Samusocial, CBCS asbl, CSCE asbl, Luttes-Solidarités-Travail asbl, Infirmiers de rue, la Fédération Bico, Doucheflux, Syndicat des Immenses, ATD Quart-Monde, Fédération des maisons d’accueil et des services d’aide aux sans-abri) ayant contesté ces règles à travers différents recours portés par Me Ronald Fonteyn, espère que le législateur fédéral, l’actuel ministre de l’Intérieur, l’actuelle ministre de l’Intégration sociale et l’actuel ministre chargé de la Lutte contre la pauvreté tiendront dûment compte de leurs critiques.

L’octroi d’une adresse de référence ne devrait pas être conditionné ni par la résidence sur un territoire communal donné, ni à un statut reconnu de sans-abri, ni à la fourniture de preuves de recherches actives d’un logement, ou encore moins influencer le statut de la personne comme cohabitante ou isolée. Si des clarifications s’imposent en matière d’adresse de référence, elles doivent avoir pour objectif de garantir à chacun·e l’accès aux droits fondamentaux, quelle que soit sa situation de logement, simplement parce qu’il ou elle a une existence de par sa simple mention dans le registre national.