La Ligue des droits humains a pris connaissance du communiqué de l’Autorité de protection des données du 18 janvier dernier[1].
La LDH a pour mandat et pour objet social la protection des droits fondamentaux et, à ce titre, estime fondamental de disposer d’institutions de monitoring et de contrôle performantes autant qu’effectives. De ce fait, la LDH salue le travail réalisé par l’Autorité de protection des données dans différents domaines et s’appuie sur certains de ses avis pour effectuer son propre travail de vigilance en matière de droits fondamentaux. Toutefois, la LDH déplore la persistance d’incompatibilité et de conflits d’intérêt de certains membres de l’Autorité qui portent préjudice à son travail et à sa crédibilité.
L’indépendance d’une autorité publique dépend notamment de celle des membres qui la composent. A l’instar de la presse et de deux directrices de l’Autorité, la LDH a souligné publiquement à plusieurs reprises les éléments concrets qui mettent certains membres en incompatibilité avec un mandat au sein de l’APD et les situations de conflits d’intérêts qui en concernent d’autres.
L’inaction du Parlement jusqu’à la mise en demeure de la Commission européenne ainsi que l’enclenchement de la procédure de révocation prévue à l’article 45 de la loi portant création de l’APD envers les membres du comité de direction, sans inclure les membres effectivement concernés par des incompatibilités légales, posent question. Pour la LDH, il incombe au Parlement de mener des auditions et d’exercer son contrôle en toute objectivité et dans le respect des droits des personnes effectivement concernées. Sa lettre à l’attention de la Commission européenne ne dit pas autre chose.
En ce qui concerne des allégations qualifiées de “fautives”, l’interview de M. David Stevens dans De Tijd du 10 janvier dernier [2] fait état des travaux en cours du gouvernement concernant un projet de loi. Plus particulièrement, il est fait mention d’une intention de supprimer le droit de vote et donc la participation des experts au processus décisionnel. Cette interview est antérieure au 12 janvier 2022, moment où cette information a été rendue publique par Mathieu Michel, secrétaire d’Etat en charge du dossier. Il y a donc bien eu des communications sur un projet de loi sans que celui-ci soit public et donc la LDH n’aperçoit pas en quoi il y aurait de prétendues allégations ‘fautives’. De surcroît, la connaissance de cette information avant qu’elle ne soit publique pose déjà question, tout comme la circonstance que le président de l’APD exprime son avis personnel sur un projet sur lequel le centre de connaissances sera pourtant amené à se prononcer officiellement par la suite. Il appartient à la LDH, en tant que chien de garde de la démocratie, de le dénoncer.
La LDH souligne que, si toute personne faisant l’objet d’une demande de révocation de mandat doit bénéficier de ses droits à la défense, les personnes qui ont agi en tant que “lanceur d’alerte” bénéficient de droits propres à leur situation, prévus par la Directive (UE) 2019/1937 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union. En vertu de cette directive, il incombe aux autorités belges de justifier que l’entame d’une procédure de levée de mandat à leur encontre n’est pas une mesure de représailles. A notre connaissance, les membres que nous citons dans nos communications ne remplissent pas toutes indistinctement les conditions nécessaires au bénéfice de cette protection. Seules Alexandra Jaspar et Charlotte Dereppe ont signalé les menaces pour l’indépendance de l’APD. Alexandra Jaspar ayant démissionné le mois passé, l’Etat belge reste dans l’obligation de veiller à ce que les droits de la défense de Charlotte Dereppe soient respectés dans le cadre de la procédure de levée de mandat lancée à son encontre, et que, comme en dispose la directive précitée, il soit justifié en quoi cette procédure n’est pas constitutive de représailles à son encontre pour les signalements dont elle s’est rendue responsable. Plus fondamentalement, la LDH dénonce publiquement les manquements et dangers qu’elle constate pour les droits fondamentaux et si chacun peut bien évidemment faire valoir son point de vue, les “droits de la défense” ne peuvent servir de prétexte pour restreindre ces dénonciations publiques.
La crise que nous traversons a mis à l’avant-plan de nombreuses questions qui touchent à plusieurs droits fondamentaux, y compris le droit à la protection des données à caractère personnel. La LDH souhaite rappeler l’importance de pouvoir compter sur une Autorité de protection des données pleinement indépendante. Elle a interpellé à plusieurs reprises le Parlement sur cette question [4] et a rencontré plusieurs acteurs de ce dossier.
Enfin, la LDH est ouverte au dialogue avec les institutions et elle reste évidemment disponible pour discuter de ces points, tant avec l’APD qu’avec le Parlement.
[2] ‘Natuurlijk zit onze privacy op een hellend vlak’ 10 janvier 2022, https://www.tijd.be/politiek-economie/belgie/algemeen/natuurlijk-zit-onze-privacy-op-een-hellend-vlak/10358348.html
[3] http://www.lachambre.be/media/index.html?language=fr&sid=55U2427&offset=4292
Le 26 janvier 2022