Réforme de la GRAPA : les possibilités de voyage des pensionné·e·s en Belgique particulièrement restrictives par rapport aux voisins européens 

La réforme de la GRAPA, ce complément aux pensions les plus basses, accordé aux personnes de plus de 65 ans qui ne disposent pas de ressources suffisantes, va revenir très rapidement sur la table du gouvernement fédéral. La Ligue des droits humains demande instamment à celui-ci de revoir les conditions de résidence de la GRAPA parce qu’elles sont doublement restrictives. Aucune autre allocation sociale ne restreint à ce point les possibilités de voyage des pensionné·e·s. La Belgique figure aussi parmi les pays de l’Union européenne les plus restrictifs en la matière.

La GRAPA concerne plus de 100.000 personnes en Belgique, dont 65 % de femmes et 35 % d’indépendant·e·s. La grande majorité (80 %) de ces personnes cumule cette allocation avec une pension légale insuffisante pour leur éviter la pauvreté après l’âge de la retraite.

Les conditions de résidence n’autorisent aux bénéficiaires de la GRAPA que maximum 29 jours de séjour hors de Belgique par an. Suspendus pendant la crise covid, les contrôles pourraient reprendre de façon imminente. Ils sont effectués par les facteurs de bpost qui mènent des visites domiciliaires pour vérifier si la personne respecte bien ces conditions. Ces contrôles intrusifs obligent la personne âgée à vérifier sa boîte aux lettres presque quotidiennement et à réagir rapidement en cas de dépôt d’un document de contrôle. Une forme de quasi-assignation à résidence qu’avaient dénoncée ensemble associations de défense des aîné·e·s, mais aussi représentant·e·s des indépendant·e·s, organisations de défense des femmes, syndicats, mutuelles ou organisations de lutte contre la pauvreté, en mai dernier.

Ces conditions de résidence de la GRAPA ne sont pas proportionnées. On peut rapidement s’en rendre compte quand l’on compare les possibilités de séjours à l’étranger contenues dans d’autres régimes d’allocations sociales. Cette comparaison témoigne de la portée discriminatoire de ces mesures, faisant de la limitation des séjours à l’étranger de la GRAPA la plus restrictive du paysage allocatif belge… et européen.

En Belgique, c’est simple : aucune autre allocation pour les personnes ayant atteint l’âge de la retraite n’empêche à ce point de voyager. Les bénéficiaires d’une pension ne subissent aucune restriction. Même en comparaison aux autres allocations financées par l’impôt belge, les règles associées à la GRAPA semblent fortement discriminatoires : alors que l’allocation pour l’aide aux personnes âgées n’est limitée par aucune condition de résidence en Wallonie, alors que l’allocation de remplacement de revenus et l’allocation d’intégration permettent jusqu’à 90 jours par an à l’étranger, pour la GRAPA, après 29 jours, interdiction, sauf dérogation, de quitter temporairement le pays.

De même, les allocations vieillesse non-contributives de nos voisins européens prévoient des limitations du nombre de jours passés à l’étranger bien plus respectueuses de la liberté de circuler de nos aîné·e·s. La norme en Europe est généralement fixée à trois mois. C’est ainsi le cas de l’allocation vieillesse en Espagne, en Suisse, ou encore aux Pays-Bas (13 semaines). Mais d’autres pays sont plus généreux encore, comme la Suède quand le séjour est à l’intérieur de l’Espace économique européen, ou la France qui garantit… six mois sans que ne soit suspendue l’allocation-vieillesse.

Cette question n’est pas seulement juridique, elle est également foncièrement humaine. 96,3% des bénéficiaires de la GRAPA sont des citoyen·ne·s d’une Union européenne qui s’est construite sur l’encouragement aux échanges entre pays. Très nombreux·se·s sont les bénéficiaires de la GRAPA qui ont de la famille, des enfants ou petits-enfants, des ami·e·s proches à l’étranger et qui, à cause des règles actuelles, ne peuvent fréquemment les visiter – sauf à risquer de perdre les maigres revenus qui les empêchent de survivre dans la grande pauvreté.

Forte de ces constats, la Ligue des droits humains appelle instamment le gouvernement fédéral, dans le cadre de la réforme à venir, à prévoir un mécanisme permettant aux aîné·e·s de rendre suffisamment visite à leurs proches vivant à l’étranger. De même, elle répète la nécessité de respecter la Charte de l’assuré social et d’organiser le droit à l’audition préalable avant sanction.

Le tableau comparatif est ici.

Le 18 janvier 2022