Quatrième vague et marée haute en prison : il faut libérer d’urgence des catégories de détenu∙e∙s.

Ces dernières semaines, en raison de la quatrième vague de coronavirus, plusieurs prisons ont été obligées de confiner à nouveau les détenu∙e∙s. À ces confinements, il faut ajouter l’absentéisme des agent∙e∙s pénitentiaires (souvent pour cause de maladie) et la surpopulation structurelle des prisons. Cela aboutit à une situation de crise dans la crise, à tel point que Marc Nève, le président du Conseil central de surveillance pénitentiaire (CCSP) parle de « crise humanitaire ». La Ligue des droits humains appelle le gouvernement fédéral à prendre des mesures pour libérer d’urgence des catégories de détenu∙e∙s.

Les mesures prises par le gouvernement fédéral pour faire face à la quatrième vague de l’épidémie de la COVID touchent l’ensemble de la population, mais occultent une nouvelle fois la situation particulière des détenu·e·s. Alors que les chiffres des contaminations derrière les barreaux demeurent inaccessibles (en espérant qu’ils soient comptabilisés par les autorités), plusieurs prisons ont été obligées de confiner à nouveau, comme Saint-Gilles, Ittre, Merksplas ou encore Leuven Centraal. Cela a de multiples conséquences qui privent les détenu∙e∙s de bien plus que leur liberté. Ainsi, des visites familiales ne sont plus possibles, des détenu∙e∙s sont privé∙e∙s de sortie et des services extérieurs ne peuvent plus rentrer ; un nombre important d’activités n’est plus possible. Pour certain∙e∙s détenu∙e∙s, cela signifie aussi être enfermé∙e∙s 23h/24 en cellule ou être privé∙e∙s de travail. Le personnel pénitentiaire n’est pas non plus épargné et les absences (souvent pour cause de maladie) se multiplient de manière alarmante. A cela s’ajoutent encore les grèves à répétition et leurs conséquences sur la vie des lieux de privation de liberté. Les mots sont forts : Marc Nève, le président du Conseil central de surveillance pénitentiaire (CCSP) parle de « crise humanitaire »…

Ces décisions de confinement interne, d’interdiction de visites ou encore d’arrêt d’activités posent des questions en matière de légalité. À titre d’exemple, l’interdiction pure et simple des visites familiales viole de manière flagrante la loi de principes concernant l’administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenu∙e∙s, qui garantit un minimum de trois visites par semaine à tou∙te∙s les détenu∙e∙s. Empêcher, sans base légale, les détenu∙e∙s de voir leur famille constitue également une différence de traitement injustifiée par rapport à la population libre, qui peut toujours accueillir ses proches à son domicile sans aucune limitation. Les droits fondamentaux des détenu∙e∙s ne peuvent constituer les variables d’ajustement de la gestion de l’épidémie en prison.

La situation actuelle est accentuée par une surpopulation carcérale chronique que les associations, les services extérieurs, certain∙e∙s professionnel∙le∙s, mais aussi les organes nationaux, européens et internationaux de protection des droits humains dénoncent depuis de nombreuses années . Si au moment de la première vague de l’épidémie, des solutions humaines avaient été évoquées, une politique d’envergure n’a jamais été mise en œuvre. Il est pourtant urgent d’agir et la seule option viable est la libération pure et simple. Ainsi seulement, les risques de contagion pourront être amenuisés et les prisons correctement gérées sans d’autres atteintes aux droits des personnes qui y vivent où y travaillent.

Les autorités politiques doivent prendre les mesures pour libérer d’urgence des catégories entières de détenus et les autorités judiciaires doivent moins incarcérer. Les mesures prises aujourd’hui ne sont pas adéquates ; elles ne sont que des emplâtres sur une jambe de bois. Lors du premier confinement, dans le premier semestre de 2020, la surpopulation carcérale belge a connu une baisse spectaculaire grâce à une politique de désinflation carcérale (libérations anticipées, interruptions de peines, etc.) . Cette situation illustre que la volonté politique alliée à la mobilisation de l’ensemble des actrices et acteurs de la justice peuvent permettre de remettre ou de maintenir en liberté des centaines de personnes sans que cela ne présente pas de danger en termes de sécurité.

Une autre voie est possible. Il est temps de l’emprunter.

Le 10 décembre 2021