La loi pandémie est entrée en vigueur le 4 octobre dernier. Mais on a appris dans la foulée (La LLB du 4 octobre) que le gouvernement estime que “les conditions ne sont pas réunies” pour l’appliquer. Il compte alors continuer à avoir recours à des arrêtés ministériels. La Ligue des droits humains appelle les autorités à ne plus utiliser la loi de 2007 pour justifier les mesures sanitaires en cours.
A peine entrée en vigueur, la loi pandémie est remisée au placard. En tous cas, pour le moment. Cette loi était censée fournir un cadre légal pour gérer la crise sanitaire que nous traversons et les suivantes, de manière aussi efficiente et respectueuse que possible des équilibres démocratiques. Mais aujourd’hui, le gouvernement fédéral persiste à utiliser la loi de 2007 sur la sécurité civile pour limiter les libertés fondamentales et donner un fondement aux mesures sanitaires toujours en cours, notamment le port du masque.
Cette loi de 2007 est mobilisée, avec d’autres, depuis le déclenchement de la crise sanitaire de covid-19 pour adopter une série d’arrêtés ministériels qui restreignent les droits fondamentaux pour lutter contre la pandémie. Ils ont permis, notamment, d’imposer les confinements de mars et d’octobre 2020. Or, dès le mois de mars 2020, la LDH avait souligné le danger du recours à des lois dites “de police” qui, comme la loi de 2007, contiennent des dispositions imprécises et d’une grande généralité, qui ne définissent pas les éléments essentiels des mesures susceptibles d’être prises, ni ne précisent les objectifs à poursuivre lors de leur adoption, et confèrent une très large marge de manœuvre aux autorités (dans le cas d’espèce, Ministre ou bourgmestre).
Au début de la crise, la Ligue a fait preuve de compréhension, admettant qu’une certaine flexibilité soit de mise dans les premiers moments. Mais il n’est pas admissible que les autorités publiques ne renouent pas rapidement, une fois que l’on entre dans les autres phases de la gestion d’une crise, avec les principes démocratiques. C’est pour cette raison que la LDH a porté le débat devant les tribunaux. Avec pour effet, notamment, l’adoption d’une loi pandémie qui avait pour objectif d’éviter d’avoir recours à des dispositifs juridiques exceptionnels.
Au-delà du fait que cette loi ne permette précisément pas de répondre aux attentes qu’elle suscitait et que sa publication ait plus que tardé, elle comporte un point positif : elle exclut, dès son entrée en vigueur, l’application de la loi du 15 mai 2007, aux situations d’urgence épidémique visées par la loi pandémie. Alors, comment le gouvernement justifie-t-il l’adoption de mesures en dehors du cadre fourni par la loi pandémie ? De deux choses l’une : soit nous sommes dans une situation d’urgence épidémique, qui justifie l’adoption de mesures sanitaires strictes, sur la base de la loi pandémie, adoptée précisément à cette fin. Soit, nous ne sommes plus dans une telle situation, mais alors comment justifier les mesures sanitaires strictes projetées dans les jours à venir et sur quelle base légale les fonder ?
Les lois doivent nous protéger, nous citoyens et citoyennes, de l’arbitraire. La loi de 2007 ne peut donner un fondement à d’autres mesures sanitaires que celles prévues dans la loi pandémie, sinon tout l’encadrement prévu dans cette loi, qui vient d’entrer en vigueur, n’a plus de sens. On ne peut laisser au Gouvernement la possibilité de choisir entre deux fondements – l’un plus restrictif, l’autre plus permissif – pour adopter les mêmes mesures.
Un gouvernement qui se permet de jouer avec les bases légales, en préférant une loi trop générale et permissive et en refusant l’encadrement établi par le Parlement dans une loi spécifiquement dédiée à la situation sanitaire, porte atteinte à l’État de droit. La Ligue des droits humains appelle les autorités à ne plus fonder les mesures sanitaires sur la loi du 15 mai 2007 et à renouer plus clairement avec le principe de légalité en fondant leurs mesures sur une base légale suffisante, claire, précise, prévisible et accessible.
Le 8 octobre 2021