Bruxelles, le 21 mars
Face à la surpopulation carcérale endémique, et aux conséquences dramatiques qui en découlent, les autorités politiques choisissent une nouvelle fois d’enfouir la tête dans le sable. La seule « solution » proposée, outre l’expansion continue et totalement inefficace du parc carcéral, est celle d’avoir recours à des congés pénitentiaires prolongés (CPP). La Fidex (Fédération bruxelloise des institutions pour détenus et Ex-détenus) et la LDH (Ligue des droits humains) souhaitent illustrer le caractère fallacieux de cette « solution », qui requestionne le sens des peines privatives de liberté.
Une semaine après l’annonce de la mise en application des congés pénitentiaires prolongés, la Fidex et la LDH souhaitent questionner le sens des peines privatives de liberté dans un contexte de pression totale prolongée en termes de surpopulation carcérale. La situation est plus préoccupante que jamais : 12 470 personnes incarcérées en Belgique, pour à peine 10 000 places, record battu et indignation totale.
Si l’on ajoute à cette donnée les grèves successives des agents, la pression en terme de gestion des places dans un parc carcéral débordant, l’exécution des courtes peines de prison, une politique pénale qui incarcère massivement et un monde politique qui reste sourd aux recommandations internationales et aux cris d’alarme tant du secteur que des expert.e.s académiques, la situation est plus explosive que jamais.
C’est dans ce tableau bien sombre que vient s’ajouter la « solution » des CPP, dont la Fidex et la LDH interrogent le sens et la portée.
En effet, les personnes soumises à ce régime de congé mensuel ne sont pas délestées de leurs peines, elles les purgeront plus longtemps. Ce qui, assurément, ne peut être présenté comme une solution sérieuse pour lutter contre la surpopulation carcérale.
En outre, si la personne incarcérée ne représente à ce point pas de danger pour être « libérée » un mois sur deux, autant ne pas la faire (r)entrer. Surtout, obtenir un congé d’un mois signifie être hors des murs de la prison, en effet, mais sans avoir accès aux revenus de remplacement, ce qui fait soit porter le financement de la mesure par la famille soit discrimine la possibilité d’avoir accès à ce type de congé. Par ailleurs, le secteur de l’aide aux personnes est saturé et les maisons d’accueil pour sans-abris sont à pleine capacité depuis des années : ils ne pourront pas prendre en charge ces demandes supplémentaires.
La mesure est également extrêmement critiquable en termes de (ré)insertion : quel propriétaire acceptera de louer un bien un mois sur deux ? quel organisme de formation ou quel employeur acceptera une présence sur courant alternatif ? quelle continuité de soins, en et hors les murs, pour les personnes qui rentrent et sortent ?
Les services externes sont au quotidien dans les prisons belges, partagent les difficultés des agents, comprennent l’inconfort des directions et sont témoins de situations indignes concernant la situation des détenus. Mais les solutions proposées ne permettront en rien de répondre à la problématique de la surpopulation carcérale : il faut en réalité réduire la pression carcérale en limitant le recours aux peines privatives de liberté et en réformant la politique pénale.
D’un point de vue des perspectives, nous osons penser que si des moyens doivent être mis en œuvre cela doit l’être pour limiter le recours à la détention préventive et la durée de celle-ci, pour accélérer les procédures d’accès à la libération conditionnelle ou à la surveillance électronique et pour s’assurer que les alternatives à la détention ne produisent pas une extension du filet pénal.
Il nous parait utile de rappeler que la loi prévoit que la peine privative de liberté doit rester l’ultime recours. Mais au regard du taux de détention et de surpopulation depuis plusieurs décennies, les ministres de la justice successifs s’en éloignent malgré les discours lénifiants qui pourraient laisser penser le contraire. En ce domaine comme dans d’autres, il faut passer de la parole aux actes.