La politique des hotspots à Bruxelles est contre-productive et met en danger les personnes les plus précarisées

Carte blanche publiée dans La Libre le 5 mai et signée entre autres par la Ligue des droits humains.

 

Les mesures prises dans les 15 hotspots comprennent la perception immédiate d’amendes pour possession ou consommation de drogues, l’autorisation de contrôles d’identité systématiques ainsi que “la saisie d’objets qui facilitent la consommation de drogues”. Si l’impact d’une recette éculée sur le deal de rue et la criminalité organisée laisse planer le doute, certaines de ses répercussions inquiètent. Sur le plan de la prévention, de l’accompagnement et de la protection des personnes les plus vulnérables, les effets de la politique des hotspots sont désastreux.

À Bruxelles, là où les défaillances graves de la politique d’accueil ainsi que la saturation des structures d’aide exacerbent le sans-abrisme, la multiplication des scènes ouvertes de consommation est la conséquence de la dégradation des conditions de vie des publics les plus précarisés. Pour les personnes, de plus en plus nombreuses, qui sont abandonnées à la rue, livrées à l’isolement social et à la détresse psychique, rappelons que la consommation dérégulée d’alcool et de drogues relève de l’auto-médication.

Les amendes qui ciblent la consommation ne découragent pas les conduites addictives. Au contraire, une politique qui sanctionne les actes de consommation augmente considérablement les risques psycho-médico-sociaux qui entourent ces pratiques. L’arrêté mentionne par ailleurs la possibilité de saisir tout matériel supposé “faciliter” l’usage de drogues. Alors que la distribution de matériel stérile de consommation comme outil de santé publique a largement fait ses preuves, cette mesure pose une entrave directe à la prévention des maladies infectieuses.

Du point de vue de la cohésion sociale, l’autorisation de contrôles d’identité systématiques est contreproductive. Le caractère systématique de la mesure est la porte ouverte aux pratiques discriminatoires et à l’abus de pouvoir à l’encontre des personnes les plus exposées à la violence et à la stigmatisation (jeunes déscolarisés, personnes sans-papiers ou sans titre de séjour, publics en errance, travailleurs·euses du sexe).

Paupérisation et précarisation psychique, hausse générale des consommations, accessibilité et ubérisation du marché des drogues… Bruxelles est confrontée à une crise multifactorielle, que des politiques cosmétiques ne suffiront bientôt plus à panser.

Qu’elle soit démagogique ou sincère, la politique des hotspots se trompe de cible et manque son objectif. Plutôt que d’apaiser l’espace public et faire fléchir l’inquiétude légitime exprimée par une partie de la population, la prétendue stratégie au nom de laquelle le droit commun est suspendu contribue à aggraver le sort des plus précaires.

La vie de quartier réclame une politique juste et crédible. Si nous pouvons louer l’effort de coordination annoncé afin d’éviter le transfert de la criminalité d’un quartier à l’autre, les pouvoirs publics doivent cependant se saisir des acquis d’un demi-siècle d’investissement dans les pratiques de réduction de risques liés aux assuétudes. Pour affaiblir durablement le narcotrafic et ses nuisances, la priorité doit enfin être donnée à la santé publique et à des réponses concertées avec le secteur professionnel.