Bruxelles le 9 février 2023
La Ligue des droits Humains et la Liga voor mensenrechten ont déposé début février deux recours en annulation de la loi sur la conservation des données du 20 juillet 2022 auprès de la Cour constitutionnelle. C’est maintenant la troisième fois que la LDH saisit la Cour constitutionnelle de ce dossier « data retention » qui régit la conservation des métadonnées des citoyen·nes. Si l’analyse des métadonnées peut être un outil envisagé pour lutter contre la grande criminalité, cette troisième loi sur la conservation des données établit un déséquilibre entre cet objectif de sécurité et les violations de nos libertés individuelles.
Conservation des données en Belgique
La première loi (loi du 30 juillet 2013) sur la conservation des données obligeait les opérateurs de télécommunications à conserver les données de leurs utilisateurs de téléphone pendant 12 mois dans le cadre de la lutte contre la criminalité. Cette obligation générale a finalement été interdite par la Cour constitutionnelle, car elle violait notre droit à la vie privée. Dans sa deuxième mouture, la loi du 29 mai 2016 sur la conservation des données maintenait cette obligation générale de conservation mais l’assortissait de conditions plus strictes. La Cour constitutionnelle et, cette fois également, la Cour de justice de l’Union européenne ont à nouveau estimé que la conservation massive des métadonnées de tous·tes les citoyen·nes belges constituait une violation du droit à la vie privée. La loi a donc été annulée.
La troisième fois, c’est la bonne ?
En juin 2022, la Chambre a voté une troisième version de la loi sur la conservation des données introduisant une rétention différenciée. Désormais, les données ne peuvent être conservées que dans certaines zones sensibles. Le gouvernement a élaboré différents critères géographiques, tels que les endroits où le taux de criminalité est élevé et les institutions cruciales (par exemple, les aéroports, les gares, les hôpitaux, les écoles, les municipalités frontalières, les autoroutes, les communes avec des casernes militaires, les universités, etc.), aboutissant concrètement à une couverture quasi-totale du territoire belge. Dans ces régions où les données sont conservées, chaque citoyen·ne est, en permanence, considéré·e comme un suspect·e potentiel·le. Ainsi, un très grand nombre de leurs données sont conservées et pas moins de 10 autorités y ont accès. Le nombre de domaines signalés est si élevé que cela conduit à une rétention générale de facto et ne tient pas compte, une fois de plus, des observations de la Cour constitutionnelle et de la Cour européenne de justice.
Demande d’annulation
Les Ligues attaquent donc cette loi devant la Cour constitutionnelle car elle ne respecte pas les garde-fous fixés par la Cour de justice européenne en termes de protection de la vie privée. La lutte contre la criminalité ne légitime pas la surveillance de masse ni le traitement de chaque personne comme potentiellement suspecte.