Bruxelles, le 15 novembre 2023
La Ligue des droits humains intervient ce jeudi 16 novembre dans une procédure qui s’oppose à un jugement d’expulsion obtenu sur requête unilatérale. Cela se passe devant la justice de paix bruxelloise, dans un dossier d’occupation d’un bâtiment par des personnes sans-papiers. Par ce recours, la Ligue des droits humains entend dénoncer la systématisation du recours aux requêtes unilatérales, notamment en matière de logement et dans les conflits sociaux, alors qu’elles sont contraires à plusieurs principes fondamentaux, dont le droit à un procès équitable. La LDH rappelle que le recours à une procédure unilatérale doit rester exceptionnel.
En octobre dernier, la justice de paix de Bruxelles est saisie par la Régie foncière de la Région bruxelloise pour expulser des personnes sans-papiers qui occupent un bâtiment lui appartenant. Et ce, au moyen d’une requête unilatérale. C’est-à-dire, sans en informer la partie adverse et donc sans que la justice ne puisse l’entendre. Pourtant, un contact avait été établi avec les personnes occupant le bâtiment et celles-ci auraient pu, à tout le moins partiellement, être identifiées. Il n’y aura donc aucun débat contradictoire et la justice de paix donnera le feu vert à cette expulsion, sur base des arguments du propriétaire, uniquement.
Absolue nécessité
Juger un dossier, sans en informer l’une des deux parties, sans même l’entendre, ce n’est prévu par la loi que dans des situations exceptionnelles, comme par exemple, lorsque les personnes occupant le bâtiment ne sont pas identifiables. Selon l’article 1344 octies du Code judiciaire, Tout détenteur d’un droit ou d’un titre sur le bien occupé peut introduire, par requête contradictoire ou, en cas d’absolue nécessité découlant du fait que malgré les tentatives du requérant en ce sens, il ne lui a pas été possible de déterminer l’identité d’aucun des occupants du bien par requête unilatérale. Pourtant, la Ligue constate un recours beaucoup trop fréquent aux procédures unilatérales sans qu’il soit toujours vérifié que des démarches suffisantes ont été menées pour tenter d’identifier, même partiellement, les occupant·es.
Emblématique, le dossier Delhaize
La Ligue des droits humains observe et dénonce la systématisation du recours aux requêtes unilatérales, en matière de logement comme c’est le cas ici, mais aussi dans les conflits sociaux de ces derniers mois. Le dossier Delhaize en est le plus emblématique et le plus récent : la direction de l’entreprise avait introduit au printemps dernier une requête unilatérale auprès de la justice pour obtenir l’interdiction des piquets de grève dans les magasins et dépôts de Delhaize de la région. Interdiction obtenue dans une ordonnance du tribunal de première instance de Bruxelles, et, plus inquiétant encore, appliquée à l’ensemble du territoire du pays. Au moins deux tribunaux (Gand, Brabant wallon) ont depuis invalidé le recours à la requête unilatérale pour interdire les piquets de grève.
Droit d’accès aux juges, droits de la défense et droit à un procès équitable
Dans ce contexte, l’Institut fédéral des droits humains rappelait que « la procédure sur requête unilatérale porte atteinte à la protection du droit de grève et du droit d’action collective.». De son côté, le Comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe constatait, déjà en 2011, l’usage abusif de la requête unilatérale afin d’interdire des actions collectives en Belgique.
La Ligue des droits humains rappelle que le recours abusif à la procédure unilatérale nuit à plusieurs principes fondamentaux, comme le droit d’accès aux juges, les droits de la défense et le droit à un procès équitable. Les requêtes unilatérales doivent rester exceptionnelles, ce qui demande une étude sérieuse de leur recevabilité de la part de la justice, d’autant plus lorsqu’il s’agit de droits fondamentaux, comme celui du logement et du droit de grève.
L’audience a lieu ce jeudi 16 novembre à 10H20, à la justice de paix, 1er canton de Bruxelles.