Bruxelles, le 28 mars 2023
C’est une première décision de justice qui marque un tournant pour les personnes intersexes et les associations qui militent pour que leurs droits soient respectés. La cour d’appel de Bruxelles a confirmé en février 2023 que l’opération réalisée à l’hôpital universitaire des enfants Reine Fabiola (HUDERF) sur une mineure intersexe n’était pas justifiée au moment et dans les conditions où elle a été réalisée. L’hôpital n’a pas informé correctement la patiente sur la variation intersexe et a précipité l’opération chirurgicale, sans proposer d’accompagnement psychologique adéquat.
Condamnation de l’HUDERF
La cour d’appel de Bruxelles confirme la condamnation de l’HUDERF dans un dossier concernant une personne intersexe, à savoir une personne dont les caractéristiques sexuelles ne correspondent pas entièrement aux normes médicales et sociales existantes, à savoir la binarité mâle-femelle / féminin-masculin.
L’affaire remonte à 2009. Coralie S., une adolescente de 16 ans présente une variation intersexe, qualifiée de « Syndrome de Mayer Rokitansky Küster Hauser », aussi connu sous l’acronyme MRKH par le monde médical, qui se manifeste par l’absence partielle ou totale de vagin et de l’utérus. Elle ne met pas en cause la bonne santé de la patiente. Cependant, l’hôpital qui la prend en charge pose un diagnostic pathologisant, en lui expliquant son cas comme s’il s’agissait d’une maladie à soigner et préconise une vaginoplastie visant à constituer un néovagin. Cette intervention chirurgicale, très lourde, est présentée comme la seule alternative à la patiente. L’arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles souligne que : « L’équipe médicale de l’HUDERF n’a jamais expliqué à Coralie S. qu’elle pouvait parfaitement vivre sans vagin et que si elle désirait néanmoins une intervention chirurgicale afin de créer un néo-vagin, il était prématuré de procéder à une opération aussi rare, lourde et compliquée au regard des circonstances de la cause. Il était également nécessaire qu’elle bénéficie au préalable d’un véritable soutien psychologique, ce qui n’a pas été le cas ».
Complications en cascade, sans aucun accompagnement psychologique
L’opération a lieu en janvier 2010, soit à peine 4 mois après l’indication de l’hôpital. S’en suivent des complications qui nécessitent de nouvelles opérations dans les mois qui suivent. Par ailleurs, le fait qu’elle soit mineure n’a pas été pris en compte dans le traitement décidé. L’hôpital n’a mis en place aucun accompagnement psychologique, aucune explication non plus de l’intersexuation, variation pourtant déjà bien documentée au moment de l’opération, et n’a pas non plus mentionné les risques et complications possibles de ces interventions à la patiente. Ces pratiques médicales mutilantes et discriminatoires ont généré chez Coralie S. un stress post-traumatique. L’arrêt précise que les praticiens n’ont donc pas obtenu le consentement libre et éclairé de la patiente et de sa maman.
Interdire et sanctionner les procédures médicales de normalisation
Les Nations unies ont sévèrement réprimandé la Belgique concernant les mutilations génitales et autres traitements dégradants que subissent les personnes intersexes. Une première condamnation a eu lieu le 28 février 2019 par le Comité des droits de l’enfant. Une deuxième condamnation est prononcée sans équivoque par le Comité des droits de l’homme le 6 décembre 2019. Une troisième condamnation a eu lieu par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels le 26 mars 2020. Les comités onusiens dénoncent les traitements inhumains, cruels et dégradants des procédures de normalisation imposées aux enfants intersexes, qu’ils qualifient de pratiques néfastes et préjudiciables. A cet égard, le Comité des droits de l’enfant invite l’État belge à interdire ces traitements ou actes chirurgicaux inutiles sur des enfants intersexes lorsqu’ils peuvent être reportés en toute sécurité jusqu’à ce que l’enfant soit en mesure de donner son consentement éclairé. Enfin le 1er novembre 2022, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a réprimandé la Belgique lui demandant de faire en sorte que ne soit plus pratiquée aucune intervention médicale irréversible, en particulier aucun acte de chirurgie sur les enfants intersexes.
Garantir les droits fondamentaux
Il est aujourd’hui urgent d’établir un cadre juridique de protection des droits fondamentaux des personnes intersexes en adaptant la législation afin que la Belgique se conforme à ses obligations européennes et internationales. Des chercheur·ses l’ont appelée à le faire en octobre dernier.
Lien vers le dossier de presse de Genres Pluriels
Associations signataires :
Amnesty International, La Code, coordination des ONG pour les droits de l’enfant, GAMS Belgique, Genres Pluriels, Intersex Belgium, Ligue des Droits humains, Ligue des Droits de l’Enfant, École pour tou·te·s, Let’s talk about non binary, Fédération Prisme, Organisation Intersex International Europe e.V., Progress Lawyers Network, Réseau Psycho-Médico-Social, trans*/inter* belge, Fédération des centres de planning familial du réseau Solidaris