Bruxelles, le 2 février 2024
La cour d’appel de Bruxelles a émis ce 23 janvier 2024 une décision autorisant un collectif d’organisations non-gouvernementales, dont le CIRÉ, BelRefugees, Vluchtelingenwerk Vlaanderen et Médecins du Monde, à saisir jusqu’à 2,9 millions d’euros sur les comptes de Fedasil. Ces dernières années, l’État belge a été de très nombreuses fois condamné pour ne pas avoir rempli sa mission d’accueillir les demandeurs d’asile. Cette gestion défaillante de l’accueil fait rage en Belgique depuis 835 jours. C’est pour faire face à cette situation de déni d’accueil persistante, reconnue par la justice belge, que les ONG précitées ont obtenu l’autorisation de saisir une somme d’argent qui sera concrètement réutilisée pour venir en aide aux victimes de cette « crise » dont on ne voit pas toujours pas la fin.
835 jours d’inaction
Depuis le début de la crise, à l’automne 2021, Fedasil (l’Agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile) a été condamnée plus de 8.800 fois par la justice belge pour ne pas avoir offert aux personnes en demande d’asile l’accueil auquel elles ont droit en vertu du droit européen et de la loi belge. Néanmoins, ces multiples condamnations sont demeurées sans effets et les astreintes imposées par la justice n’ont pourtant jamais été payées. C’est dans l’optique de faire respecter ces décisions de justice et le droit d’accueil que le CIRÉ et une dizaine d’autres associations ont décidé de mener une action collective sans précédent en Belgique.
« Fedasil a pour mission d’accueillir les demandeurs d’asile et le gouvernement belge doit tout mettre en œuvre pour mettre fin à la « crise » de l’accueil mais il n’y a aucune perspective positive et un manque de volonté politique. C’est une défaillance qui a été reconnue des milliers de fois par la justice belge et aussi par la Cour européenne des droits de l’Homme mais les partis de cette majorité gouvernementale n’en ont eu que faire et n’ont pas respecté les décisions qui lui étaient imposées. Ce n’est seulement pas nous qui le disons, ce sont aussi les cours et tribunaux. Des solutions existent et sont inscrites dans la loi accueil. En effet, si le plan de répartition était décidé, et que chaque commune accueillait 5 demandeurs, la crise serait réglée. Nous nous réjouissons aujourd’hui de cette décision de justice qui fera date et qui nous aidera à apporter du soutien matériel d’urgence aux demandeurs d’asile à la rue », réagissent les associations impliquées.
Saisie des comptes
Selon la décision de justice du 23 janvier dernier, les organisations à l’initiative du recours en justice collectif sont désormais en droit de recouvrer l’entièreté des astreintes imposées à Fedasil pour chaque jour où un accueil n’était pas offert aux personnes en demande d’asile. Cette somme s’élève désormais à 2,9 millions d’euros et sera utilisée par les organisations impliquées sur le terrain pour combler l’inaction gouvernementale observée depuis plus de deux ans.
En premier lieu, les organisations se concentreront sur l’extension de l’aide offerte par la société civile. Il s’agit d’un soutien opérationnel sur le terrain dans le cadre de la crise de l’accueil, comprenant le financement de matériel de couchage, de distributions alimentaires, ainsi que de soutien juridique et psychologique. De plus, les organisations réfléchiront à lancer, en fonction des sommes réellement perçues, une coordination de l’accueil d’urgence en hôtel, éventuellement en coopération avec des partenaires externes.
Cette semaine, 400.000€ de biens ont déjà été saisis dans les bureaux de Fedasil dans le cadre d’une autre affaire similaire, signe que l’étau se resserre autour de cette attitude de déni de droit.
Défendre l’État de droit, un devoir moral
Par ailleurs, cette action conjointe n’a pas uniquement pour objectif de pallier l’inaction gouvernementale en termes d’accueil des personnes demandeuses d’asile. Elle est aussi un rappel que nous vivons dans un État de droit et que le gouvernement ne peut pas tout simplement ignorer les décisions de justice qui lui sont imposées. Notre système démocratique repose sur une séparation des pouvoirs au sein de laquelle le gouvernement est lui aussi tenu de se conformer aux décisions du pouvoir judiciaire. Le déni de justice par les autorités belges est un danger pour les fondements de notre démocratie et dès lors, les organisations requérantes se réjouissent de cette décision de justice. Il est également regrettable de noter que toutes les ressources financières gaspillées par Fedasil dans des procédures judiciaires auraient pu et dû être utilisées concrètement pour gérer la crise de l’accueil.
« La crise de l’accueil n’est pas une fatalité. Ne pas régler cette situation est un choix politique qui va à l’encontre des droits fondamentaux et qui a été condamné de trop nombreuses fois par la justice. Une autre politique d’accueil est non seulement possible mais elle est urgente. Des milliers d’individus sont laissés pour compte alors qu’il est du devoir de l’État de les prendre en charge », conclut Sotieta Ngo, directrice générale du CIRÉ.
LES ORGANISATIONS CONCERNÉES
• CIRÉ
• Vluchtelingenwerk Vlaanderen
• Médecins du Monde
• Ligue des droits humains
• SAAMO
• Plateforme citoyenne BelRefugees
• Ordre des barreaux francophones et germanophone
• Association pour le droit des étrangers
• NANSEN