« Il faut réformer la loi concernant le droit à l’intégration sociale : elle est injuste et elle n’est pas appliquée partout de la même manière »

Bruxelles, le 19 avril 2023

La Ligue des droits humains avec une quinzaine de partenaires* ont organisé ce mercredi 19 avril à Bruxelles une marche-rencontres qui a relié le cabinet de la ministre de l’Intégration sociale Karine Lalieux à différents CPAS de la région bruxelloise. À travers cette marche qui a rassemblé une centaine de personnes au total, les associations revendiquent une refonte du droit à l’intégration sociale et en particulier une réforme de la loi du 26 mai 2002. Les associations militent pour que la loi concernant le droit à l’intégration sociale change pour que le droit fondamental à l’aide sociale soit garanti.

Dans la ligne de mire des associations : la loi de 2002 concernant le droit à l’intégration sociale. Adoptée il y a un peu plus de 20 ans, c’est elle qui fixe les conditions à ce droit à l’intégration sociale qui peut prendre plusieurs formes, dont l’emploi et/ou un revenu d’intégration sociale et le projet individualisé d’intégration sociale. Cette loi en question touche potentiellement plus de 160.000 personnes en Belgique. Leur nombre a littéralement explosé en 20 ans. Ce sont les CPAS qui ont pour mission d’assurer ce droit à l’intégration sociale. Des CPAS en première ligne des crises qui se sont succédé ces dernières années, sécuritaire, sanitaire et énergétique et qui croulent littéralement sous le poids des dossiers.

« Contractualisation » pour des moyens de subsistance

Cette loi donc pose différents problèmes, tout d’abord parce qu’elle « contractualise » ce revenu d’intégration sociale, revenu minimal pour les personnes qui n’en ont pas ou dont le revenu est inférieur. Elle prévoit notamment « la disposition au travail » de plus en plus souvent concrétisée par le projet individualisé d’intégration sociale. « Ma fille et moi habitons loin de notre famille et n’avons aucun réseau d’amis, nous dépendons financièrement du revenu d’intégration sociale du CPAS avant que je trouve un emploi », témoigne Anton, papa isolé, âgé 38 ans et aidé par l’association Baskuul SAAMO Brussel. « L’assistante sociale qui me suit insistait beaucoup sur la nécessité de trouver un emploi, ce que je faisais activement. Puis un jour, lors d’un entretien, elle  m’a proposé un contrat dans le nettoyage. J’ai décliné l’offre car je dois être sur le lieu de travail à 6h et je n’avais personne à qui confier ma fille. Depuis lors, elle m’a continuellement proposé ce type de contrats avec malheureusement les mêmes horaires. Un jour, le CPAS a pris la décision de ne plus me payer l’allocation. Selon eux, je n’ai aucune envie de travailler. Nous sommes restés trois mois sans soutien, sans revenus ». « Il faut supprimer les PIIS, ces projets individualisés d’intégration sociale », poursuit Edgar Szoc président de la Ligue des droits humains. « Cette logique de contrat va à l’encontre de tous les principes de droit. C’est un contrat avec un couteau sous la gorge qui inclut des dispositions aberrantes ». Les procédures pour bénéficier du revenu d’intégration sociale sont aussi très complexes et font figure de parcours du combattant pour les personnes qui en font la demande.

Un droit à géométrie variable selon les CPAS

Ensuite, le droit à l’intégration sociale est aussi très arbitraire. Les règles s’appliquent différemment selon le lieu de résidence. En effet, malgré le cadre fédéral, communautaire et régional de l’aide sociale, les CPAS du pays ont une très grande autonomie dans la mise en œuvre de ce cadre juridique au niveau local. Certains CPAS appréhendent par exemple la condition d’octroi de la disposition au travail en mettant une pression très forte sur les ayant-droits et en les sanctionnant plutôt qu’en les accompagnant et en les aidant à retrouver un emploi. Concernant les documents à fournir, certains CPAS demandent tous les extraits de compte des personnes depuis trois mois, dépenses comprises, alors que ce n’est pas prévu dans la loi. Certains CPAS ne font plus signer le PIIS (Projet individualisé d’intégration sociale avec un RIS à la clé, subsidié par le Fédéral) car ils n’ont plus le temps vu les lourdeurs administratives, même s’ils y perdent financièrement.

23 propositions de réforme de la loi

Le fait de maintenir une politique locale de l’intégration sociale, dont les contours dépendent fortement des conseillers de l’action sociale, interroge fortement les associations investies sur la question, celles-ci souhaitant voir émerger un droit plus homogène et plus juste. Elles ont formulé plusieurs propositions de réforme de la loi concernant le droit à l’intégration sociale, ce mémorandum constituant un socle minimal de ce que revendiquent les organisations.

Une délégation a été reçue par la ministre de l’Intégration sociale Karine Lalieux. Les associations retiennent qu’elle s’est engagée à simplifier la procédure de demande du droit à l’intégration sociale et à lutter contre le non-recours aux droits, en particulier celui à l’aide sociale.