En s’asseyant sur des décisions de justice, le gouvernement sape les fondements de l’État de droit

Bruxelles, le 24 janvier 2023

Le rapport de la Ligue des droits humains est sorti ! L’État des droits humains analyse l’année écoulée sur le terrain des droits fondamentaux. Après la longue crise liée au coronavirus, 2022 a été bousculée par la guerre en Ukraine et la crise énergétique qui s’en est suivie, avec des prix qui ont explosé et fragilisé plus encore une partie de la population. Mais une autre crise, plus insidieuse, s’installe dans notre pays : celle de l’État de droit. En 2022, la Belgique s’est assise sur un très grand nombre de décisions de justice, sans alarmer grand monde. C’est un tournant inquiétant, qui déstabilise les fondations de notre démocratie.

Personne n’est au-dessus de la loi, pas même l’État

Des décisions de justice auxquelles le gouvernement belge fait la sourde oreille, un Parlement qui peine à sortir de sa torpeur sur certains dossiers, une justice qui manque structurellement de moyens : ce constat existait déjà avant 2022. Mais cette année comporte un tournant, en ce que jamais auparavant, le gouvernement ne s’était assis avec autant de désinvolture sur autant de décisions de justice rendues par autant de cours et tribunaux. Se profile alors une crise de l’État de droit, ce principe fondamental selon lequel l’action des pouvoirs publics est entièrement canalisée par le droit.

Crise de l’accueil, l’extradition de Nizar Trabelsi, etc.

La « crise » de l’accueil qui dure depuis plus d’un an est l’un des exemples les plus éloquents : une condamnation début 2022 devant le tribunal de première instance de Bruxelles, plus de 7000 condamnations par les tribunaux du travail du pays et des centaines de mesures provisoires – mesures très rares – décidées par la Cour européenne des droits de l’homme pour enjoindre l’État à remplir ses obligations et à accueillir les personnes demandeuses de protection internationale. Autre exemple : l’extradition illégale de Nizar Trabelsi vers les États-Unis, alors qu’il avait déjà purgé sa peine en Belgique pour une tentative d’attentat sur la base américaine de Kleine Brogel, a fait l’objet de cinq décisions de la justice belge et une condamnation par la CEDH, sans que les lignes ne bougent. Même constat pour le dossier des armes wallonnes exportées vers des pays qui ne respectent pas les conditions édictées par le décret wallon.

Procès des attentats de Bruxelles, prisons, violences policières

L’État des droits humains épingle encore le dossier de l’Autorité de protection des données dans lequel le Parlement n’a pas joué sérieusement son rôle de contrôle. Le rapport 2022 s’arrête également sur le procès des attentats de Bruxelles et son début chaotique, il interroge l’architecture des nouvelles prisons et les procès-verbaux de rébellion de plus en plus souvent utilisés par la police pour tenter de faire taire les victimes de violences policières. Une avancée tout de même en 2022 : la dépénalisation de la prostitution.

Quels leviers reste-t-il ?

Les crises s’enchaînent, crise sanitaire, sécuritaire, énergétique mais aussi climatique. Des crises qui mettent à rude épreuve les démocraties et qui conduisent certain·es militant·es vers des actions de désobéissance civile. Il est sans doute légitime de se demander quels sont les leviers qu’il nous reste quand le gouvernement se permet de choisir les décisions de justice qu’il exécute ou pas. Il est temps que les autorités reprennent la pleine mesure de ce que veut dire l’État de droit.

Pour lire le rapport 2022, c’est ici.