Droit d’asile et État de droit : la Ligue des droits humains alerte la Commission européenne des violations à répétition de l’État belge

Bruxelles, le 1er décembre 2022

La Ligue des droits humains introduit à son tour une plainte contre l’État belge devant la Commission européenne pour violation du droit européen. Cette plainte vise d’une part les violations du droit à l’accueil (directive sur l’accueil) de la Belgique qui ne cessent de prendre de l’ampleur, laissant plus de 2300 personnes à la rue ces dernières semaines. Elle vise d’autre part le non-respect de l’État de droit et le droit au recours effectif, puisque la Belgique n’exécute pas les décisions rendues par la justice sur ce dossier. La Ligue en appelle à la Commission pour qu’elle demande des comptes à la Belgique.

Des décisions de justice en cascade

Sur le dossier de l’accueil, ce ne sont pas les décisions de justice qui manquent. Vous vous souvenez de celle tombée en janvier 2022 – il y a près d’un an, avant la guerre en Ukraine ? Le tribunal de première instance de Bruxelles condamnait l’État belge et Fedasil, l’Agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile pour sa mauvaise gestion de l’accueil et de l’asile. En mars 2022, le même tribunal donnera ensuite raison aux 10 associations requérantes – parmi lesquelles la Ligue des droits humains – qui demandaient une augmentation du montant des astreintes, de 5 à 10.000 euros par jour, car l’État ne s’exécutait toujours pas. Par ailleurs, ces derniers mois, plus de 5.000 requêtes unilatérales ont été introduites par des demandeurs d’asile, rien que devant le tribunal du travail francophone de Bruxelles. Le 15 novembre dernier, c’était au tour de la Cour européenne des droits de l’homme d’enjoindre l’État belge à respecter l’accueil et les décisions de justice pour 148 demandeurs d’asile.

2300 demandeur·euses d’asile sans accueil, sans-abris

Le résultat de ces condamnations ? Rien, ou presque. Le gouvernement belge viole toujours le droit à l’accueil des personnes qui demandent une protection internationale dans notre pays. Ce droit et l’aide matérielle qui l’accompagne figurent pourtant parmi les obligations formulées dans la directive européenne sur l’accueil des demandeurs d’asile. Et la situation ne cesse de se dégrader. Au départ, en octobre 2021, le défaut d’accueil concernait les personnes qui n’étaient pas considérées comme « vulnérables » par les autorités, principalement des hommes, isolés. Un an plus tard, des mineurs étrangers non accompagnés (MENA) ainsi que les familles se retrouvent également à la rue pour des semaines, voire des mois, en raison d’un réseau d’accueil que notre gouvernement dit « saturé ». Plus de 2300 demandeur·euses d’asile dorment aujourd’hui dans les rues de Bruxelles. Les conditions sanitaires se dégradent, les cas de gale et de diphtérie explosent, selon MSF qui a ouvert une clinique temporaire Boulevard Pachéco, où les personnes enregistrent leur demande d’asile. La Croix-Rouge de Belgique évoque dans un récent communiqué « Les conditions de vie alarmantes de ces personnes, conditions qui empirent, sans aucune issue ».

État de droit en danger

La Belgique n’exécute donc plus les décisions de justice, sans que cela ne suscite de remous particuliers. De son côté, Fedasil ne paie pas les astreintes qu’elle est condamnée à payer et les associations ont été obligées de retourner en justice pour tenter d’en récupérer le paiement. Le droit de recours effectif n’est plus respecté. Or, respecter les décisions de justice, c’est la base de l’État de droit, le fait que rien ni personne n’est au-dessus des lois. Quand il enfreint les règles, ses obligations, l’État belge se doit de trouver des solutions. Répondre qu’il n’y a pas de volonté politique est une aberration et d’un cynisme sans pareil.

La Ligue des droits humains a donc écrit au commissaire européen à la Justice Didier Reynders et en appelle à la Commission européenne pour qu’elle rappelle à la Belgique ses obligations et qu’elle lance une procédure en infraction à son encontre. La Commission a exercé une pression justifiée sur la Belgique dans le dossier de l’Autorité de Protection des Données (APD). La Ligue attend d’elle qu’elle en fasse de même sur le dossier de l’accueil qui viole quotidiennement les droits de milliers de personnes, dont des familles et des enfants.