Bracelet électronique, boulet au pied de la réinsertion ?

Bruxelles, le 14 novembre 2024

Dans le cadre des Journées Nationales de la Prison, le service d’aide aux justiciables Rizome-Bxl installe, dans quatre lieux emblématiques de la région bruxelloise, des bornes audio qui diffusent des témoignages de personnes placées sous bracelet électronique à leur sortie de prison. Souvent vu comme une alternative souple à la prison, le bracelet électronique grippe pourtant les démarches de réinsertion des personnes qui sortent de prison. Avec ces installations, l’objectif du service Rizome-Bxl, auquel s’associe la LDH, est de déconstruire les stéréotypes qui collent à ce dispositif de surveillance, de plus en plus mobilisé ces dernières années en Belgique.

Le bracelet électronique, c’est « un isolement d’un autre type, mais un isolement quand même », « un stress permanent, puisque les horaires doivent être respectés à la lettre », « un périmètre très limité, à l’intérieur même de votre maison ». Les extraits de ces témoignages sont issus des bornes audio, installées dans quatre lieux bruxellois – le Palais de justice, le Parlement bruxellois, MuntPunt et la Maison de la Culture de Saint-Gilles – le temps des Journées nationales de la Prison, du 14 au 24 novembre 2024. Des ancien·nes détenu·es racontent les difficultés que le bracelet électronique placé à leur cheville a entraînées, à leur sortie de prison.

Fermer les portes entrouvertes

Pour le service Rizome-BXL, qui vient en aide aux personnes détenues, il est nécessaire de faire entendre ces vécus et de déconstruire les idées reçues qui collent à la surveillance électronique. Souvent perçu comme une faveur, voire un privilège, le bracelet électronique, lorsqu’il est utilisé pour les condamnés, dans le cadre de sortie anticipée, ralentit et entrave les démarches de réinsertion. « La sortie de prison est en soi déjà une étape périlleuse et complexe : il faut construire un nouveau projet, trouver un logement, une formation, un emploi, etc. Le bracelet électronique va limiter plus encore le champ des possibilités, puisqu’il est parfois refusé dans certains centres, dans certains logements », explique Jean Vander Wee, chargé de projet chez Rizome-Bxl.

Une allocation bien en-deçà des indicateurs de seuil de pauvreté

La sortie de prison représente également une avalanche de démarches administratives à gérer pour ouvrir toutes sortes de droits sociaux non anticipées pendant la détention, à laquelle vient s’ajouter la complexité de la surveillance électronique. Par ailleurs, les personnes sous bracelet qui sont encore inscrites au rôle pénitentiaire, et qui n’ont pas de revenus, ne peuvent prétendre qu’à une « allocation entretien détenu », qui s’élève en moyenne à 650 euros/mois pour une personne isolée, 450 pour un·e cohabitant·e. Ces montants sont bien inférieurs aux indicateurs des seuils de pauvreté, ils ne permettent pas de vivre dans des conditions dignes, ni de se « réinsérer ». « Pourquoi systématiser cette première modalité de peine, connaissant la précarité de la sortie de prison pour les personnes et leurs familles ? », s’interroge Rizome-Bxl.

La Ligue des droits humains y voit en outre une extension du filet carcéral : “ces mesures alternatives ne se substituent pas à la prison”, explique Manuel Lambert, conseiller juridique à la LDH, “elles s’y ajoutent. Le bracelet électronique va s’appliquer à des personnes qui sortaient libres auparavant”. Le résultat ? De plus en plus de personnes sont soit en prison, soit sous surveillance électronique, alors que les chiffres de la criminalité ne cessent de baisser.

A quand une politique sérieuse d’alternatives à la prison ?

Ces constats conduisent Rizome-BXL et la Ligue des droits humains à s’interroger plus largement sur les usages de cette mesure alternative, qu’elle soit utilisée comme modalité d’exécution de la peine privative de liberté, de la détention préventive ou comme peine autonome. En 2023, en Fédération Wallonie-Bruxelles, on comptait 4398 nouvelles activations par la Direction de la surveillance électronique, 29 du côté de la Communauté germanophone, et du côté de la région flamande, 6767 personnes ont été placées sous bracelet électronique. Dans le même temps, la surpopulation carcérale bat des records en Belgique. Il y a donc autant de personnes détenues en prison que de personnes sous surveillance électronique.

Force est de constater que la surveillance électronique passe à côté de ses objectifs. Pour Rizome-Bxl et la Ligue des droits humains, il est temps d’évaluer ce dispositif à l’aune de ces constats et de bâtir une politique sérieuse d’alternatives au lieu du tout-à-la-prison défendu par les partis qui négocient la formation d’un gouvernement au fédéral.