Atteinte méchante aux libertés publiques: le Parlement va-t-il limiter les libertés d’expression et de manifester?

Bruxelles, le 19 février 2024

Ce jeudi 22 février, la réforme du Livre II du Code pénal va être soumise au vote à la Chambre. Une réforme nécessaire – il fallait moderniser et clarifier ce texte vieux de plus de 150 ans – mais qui inclut une infraction très problématique: celle de “l’atteinte méchante à l’autorité de l’État”. Pour la Ligue des droits humains et la Liga voor mensenrechten, elle présente des risques de criminaliser la désobéissance civile et les appels à celle-ci. 

La loi anti-casseurs est sortie par la porte du Parlement, en décembre, sous la pression des syndicats et des ONG. Deux mois plus tard, l’article 548 consacré à l’atteinte méchante à l’autorité de l’État rentre par la fenêtre, puisque le Parlement s’apprête à l’adopter ce 22 février, au milieu de la grande réforme du Code pénal. Or, cet article comporte de sérieux risques pour le droit de manifester et pour la liberté d’expression.

Le projet d’article 548

L’article 548 du Code pénal énonce que “l’atteinte méchante à l’autorité de l’État consiste dans une intention méchante et en public, à porter atteinte à la force obligatoire de la loi ou des droits ou à l’autorité des institutions constitutionnelles et ce, en provoquant directement à la désobéissance à une loi causant une menace grave et réelle pour la sécurité nationale, la santé publique ou la moralité”.

Criminalisation de la protestation au sens large

Le champ d’application de cette infraction est particulièrement vague et large, ce qui risque, comme l’a épinglé une carte blanche publiée le 15 février dernier et signée par plus de 500 personnes principalement issues du monde associatif, universitaire et judiciaire mais aussi l’Institut fédéral des droits humains dans un avis en octobre 2023, de criminaliser certaines formes de protestation sociale et politique au sens large.

C’est pourtant le rôle de nombreuses ONG de contester publiquement la force obligatoire de certaines lois jugées contraires aux droits fondamentaux et aux normes internationales. On peut rappeler des combats tels que l’opposition à l’enfermement des enfants en centres fermés, à la pénalisation du squat ou encore la pénalisation de l’avortement.

Avec des termes généraux comme “menace grave et réelle pour la sécurité nationale, la santé publique ou la moralité”, cette infraction laisserait également une large marge de manœuvre aux autorités policières et judiciaires qui pourraient réprimer tout mouvement choisissant la désobéissance civile comme voie d’action.

Criminaliser la désobéissance civile et les appels à celle-ci

Or, tenter de brider la désobéissance civile, c’est un signal désastreux. Transgresser une loi, de façon publique et non-violente, quand celle-ci n’est pas légitime, permet de relancer un débat public, d’être moteur de changements. L’Histoire en est jalonnée d’exemples. Par ailleurs, la désobéissance civile est protégée par la liberté d’expression; elle est primordiale également quand un État viole de plus en plus les principes de l’État de droit, comme c’est le cas en Belgique.

Dans un contexte de montée de l’extrême droite partout en Europe, cette infraction permettrait une large criminalisation des protestations de la société civile et pourrait même être utilisée de manière abusive, à des fins politiques.

La Ligue des droits humains et la Liga voor mensenrechten appellent les député·es à ne pas voter cet article 548 du Code pénal.