Bruxelles, le 20.11.2024
Lors du conflit Delhaize, certains juges ont suivi les très nombreuses demandes (plus de 30) de la direction de la multinationale de mettre fin aux piquets de grève mis en place par les travailleuses et les travailleurs via des requêtes unilatérales. À l’avenir, grâce à un récent arrêt de la cour constitutionnelle, cela ne sera plus possible.
Le recours aux requêtes unilatérales devant respecter le droit à un procès équitable, des restrictions strictes s’appliquent pour pouvoir y avoir recours : elle ne peut être autorisée à titre exceptionnel qu’en cas d’absolue nécessité. La notion d’absolue nécessité recouvre les situations où une procédure unilatérale est nécessaire pour ménager un effet de surprise, celles où il est impossible d’identifier les personnes à charge desquelles la mesure doit être exécutée et les situations d’extrême urgence.
Delhaize estimait que ces restrictions étaient une limite à l’exercice de son droit de propriété et donc qu’elles étaient inconstitutionnelles. Dans son arrêt rendu ce jeudi 14 novembre 2024, la Cour constitutionnelle a estimé qu’il n’en était rien. Les limites strictes imposées au recours aux requêtes unilatérales pour mettre fin à des piquets de grève pacifiques installés devant des magasins ne sont pas contraires à la Constitution.
La cour répondait là à une question préjudicielle posée par un juge liégeois dans le cadre d’un recours introduit contre une requête unilatérale par laquelle Delhaize visait à mettre fin aux piquets de grève installés devant les magasins.
Dans ce cadre, les organisations syndicales FGTB, CSC et CGSLB ainsi que la Ligue des droits humains étaient intervenues et avaient rappelé le caractère fondamental du droit de grève, et les entraves que ces requêtes unilatérales constituent pour l’exercice de ce droit.
La Cour constitutionnelle leur donne raison en rappelant que l’interprétation restrictive des conditions pour avoir recours à une requête unilatérale a précisément pour objectif de protéger l’exercice du droit de grève, même lorsque celui-ci consiste en le blocage pacifique de l’entrée de magasins.
Cette décision est bienvenue mais nous regrettons que ce rappel important intervienne si tard. Avec cet arrêt plus aucun juge ne pourra accepter de requête unilatérale contre l’exercice pacifique du droit de grève, notamment dans les nombreuses procédures judiciaires encore en cours !