Armes wallonnes : des exportations hautement problématiques mises en évidence moins d’un an avant les élections régionales

Namur, le 28 juin 2023

Communiqué conjoint avec Amnesty International (AI), la Coordination nationale d’Action pour la Paix et la Démocratie (CNAPD), Vredesactie et la Ligue des droits humains

Ce mercredi 28 juin, Amnesty International (AI), la Coordination nationale d’Action pour la Paix et la Démocratie (CNAPD), la Ligue des Droits Humains (LDH) et Vredesactie ont rendu publique la 6e édition du rapport de l’Observatoire des armes wallonnes (OAW). À moins d’un an des élections régionales, les organisations dénoncent des exportations d’armes wallonnes posant de graves problèmes, notamment en ce qui concerne l’interdiction prévue par le Décret wallon relatif au commerce des armes de transférer du matériel militaire à destination de pays où celui-ci pourrait être utilisé pour commettre des violations des droits humains et/ou du droit international humanitaire.

Premier élément ressortant de l’OAW : la baisse des exportations d’armes wallonnes. En effet, en 2022, le volume total des exportations d’armes de la Wallonie s’est élevé à 355,5 millions d’euros, soit une baisse de 60 % par rapport à 2021. Cette baisse peut être attribuée à la fin des livraisons de tourelles-canons John Cockerill assemblées au Canada sur des véhicules blindés destinés à l’Arabie saoudite, ainsi qu’à la diminution des exportations directes vers ce pays.

« Si une baisse des exportations est effectivement à noter, cette donnée ne doit pas masquer la persistance de pratiques irresponsables de la part de l’industrie de l’armement et des autorités wallonnes, explique François Graas, coordinateur des campagnes et du plaidoyer de la section belge francophone d’AI. De même, la réduction des exportations à destination de l’Arabie saoudite, suite à des actions en justice de la société civile qui ont permis de révéler l’illégalité de certaines exportations à destination de ce pays, ne doit pas faire oublier que la Wallonie continue à exporter des armes vers des destinations qui suscitent de sérieuses interrogations. »

Le volume des exportations d’armes à destination de l’Indonésie a ainsi été multiplié par six, alors même que les forces de sécurité indonésiennes ont tué illégalement des dizaines de personnes en Papouasie et en Papouasie occidentale, et que les responsables de ces crimes n’ont quasiment jamais été amené·es à rendre des comptes.

« La Région wallonne ne peut pas non plus ignorer les attaques répétées de l’armée de l’air nigériane sur les populations civiles, mises en évidence par Amnesty International et d’autres organisations. Pourtant, six avions d’attaque légers Embraer A-29 Super Tucano (d’une commande en comprenant 12) équipés d’une mitrailleuse 12,7 mm FN Herstal ont été livrés à l’armée de l’air du Nigeria à la fin de l’année 2021. Et que dire de l’entreprise Mecar, qui aurait produit des munitions pour l’Égypte, alors même que la situation des droits humains dans ce pays est catastrophique ? », déplore Coralie Mampaey, chargée de projet pour la CNAPD.

Enfin, si les dernières exportations réelles d’armes à destination des Émirats arabes unis remontent à 2019, les organisations notent cependant que le Ministre-Président Elio Di Rupo a octroyé trois licences pour ce pays en 2021, alors même qu’il avait précédemment déclaré avoir adopté une « attitude restrictive à l’égard des dossiers concernant ce pays ».

« Nous remarquons par ailleurs que l’entreprise John Cockerill, qui a bénéficié de financements de la Région wallonne pour développer un véhicule conçu “pour répondre à certains besoins dans la région du Moyen-Orient”, a quant à elle annoncé l’établissement d’un partenariat avec la société Nimr détenue par un groupe d’État émirien », complète Hans Lammerant, chargé de campagne pour Vredesactie.

Autre persistance dans le chef de la Région wallonne, l’opacité qui continue de caractériser les exportations d’armes. Outre le retard important qui caractérise systématiquement la publication du rapport annuel du gouvernement wallon sur les licences d’exportation qu’il a octroyées et refusées, les informations publiées par les autorités sont totalement insuffisantes.

« C’est extrêmement problématique, indique Manuel Lambert, conseiller juridique à la LDH. Cette opacité empêche tout bonnement le Parlement et la société civile de remplir leur mission de contrôle. C’est un élément que nous avons mis plusieurs fois en avant, tout comme nous n’avons eu de cesse d’épingler les graves manquements de la Région wallonne par rapport à sa propre législation, qui interdit de transférer des armes à destination de pays où elles pourraient être utilisées pour commettre des violations des droits humains et/ou du droit international humanitaire. »

Alors que se profilent les élections régionales de 2024, AI, la CNAPD, la LDH et Vredesactie regrettent que l’actuelle législature n’ait pas donné lieu à une réelle amélioration des pratiques des autorités wallonnes en ce qui concerne les exportations d’armes.
« Tout n’est cependant pas perdu. Bien qu’il lui reste peu de temps, la majorité wallonne peut encore faire un pas en avant et agir concrètement en faveur de davantage de responsabilité et de transparence », concluent les organisations.