Bruxelles, le 20 novembre 2023
La Cour de justice de l’Union européenne a rendu ce jeudi 16 novembre un arrêt majeur dans le dossier de l’accès aux données policières. Elle répondait à une question préjudicielle de la Cour d’appel de Bruxelles qui voulait vérifier si l’accès aux bases de données policières par les citoyen·nes qui y sont fiché·es était conforme au droit européen. La réponse est très claire : la Belgique fait de l’exception la règle, ce qui est contraire à la directive européenne. Selon elle, la règle générale prévoit le droit d’accès direct à ces bases de données policières et un recours auprès de l’autorité de contrôle si ce droit est limité.
Un accès direct à ses données personnelles
Dans son arrêt, la Cour de justice de l’Union européenne souligne que le système belge est contraire à la directive européenne régissant l’accès aux banques de données policières. Tout d’abord, premier verrou : en Belgique, pour exercer vos droits quant aux informations que la police conserve sur vous, vous devez vous adresser à l’Organe de contrôle de l’information policière (COC) qui répond systématiquement qu’il a procédé aux “vérifications nécessaires” sans préciser lesquelles, ni au sujet de quelles données. La directive européenne prévoit pourtant un accès direct à ses données auprès du responsable du traitement et seulement, en parallèle, un accès possible via l’organe de contrôle si l’ensemble des informations demandées ne sont pas communiquées par les forces de l’ordre. Or, en Belgique, l’accès indirect systématique par l’intermédiaire du COC est devenu la règle, aucun accès direct n’étant organisé.
Des informations au bout de la demande
Deuxième verrou : lorsqu’une personne demande d’accéder à ses données personnelles conservées dans les fichiers policiers, ces informations devraient lui être communiquées. Toutefois, le droit d’accès à ses données peut être limité, par exemple parce que cela nuirait à une enquête en cours. Cette limitation doit être proportionnée et appréciée au cas par cas. Or, le COC se contente de manière générale de répondre qu’il a procédé aux vérifications nécessaires sans communiquer d’autres informations. Comme l’avocate générale de la CJUE l’a rappelé dans ce dossier, en Belgique, la réponse de l’organe du contrôle est toujours la même : « les vérifications nécessaires ont été réalisées », aucune information sur le fond. L’avocate générale avait en juin dernier évoqué un système dans lequel « toutes les portes des personnes concernées lui étaient fermées ».
Un recours possible
Enfin, la Cour de justice de l’Union européenne juge également contraire à la directive européenne l’absence de recours face à une décision de l’organe de contrôle, quand il refuse l’accès aux bases de données policières. C’est le troisième verrou à ce droit fondamental d’accéder aux informations que la police garde sur les citoyen·nes belges.
Plus de trois millions de personnes dans la BNG
Cette décision fait suite à une affaire de 2016, lorsqu’une personne s’est vu refuser une attestation de sécurité qu’il devait obtenir pour un travail. Il était fiché pour sa participation à dix manifestations au cours desquelles il n’a jamais été poursuivi ni arrêté. Ses données figuraient dans la BNG, la Banque Nationale Générale dans laquelle plus de trois millions de Belges sont fiché·es. Cette personne voulait faire valoir son droit d’accéder aux bases de données de la police pour savoir exactement quelles manifestations justifiaient son fichage et vérifier qu’il avait réellement participé à celles-ci. En résumé, il voulait savoir ce que la police détenait comme information sur lui.
Ce droit d’accéder aux informations que la police conserve dans ses fichiers est fondamental, puisque le traitement/l’utilisation par la police de ces données peut être lourd de conséquences pour les personnes fichées. Il nous concerne tous𑁦tes. La Ligue des droits humains qui a fait intervention dans ce dossier de 2016 est très satisfaite de la décision de la Cour de Justice et attend maintenant l’arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles. Elle appelle également le gouvernement à corriger la loi du 30 juillet 2018 pour que le droit d’accès soit pleinement respecté et que les limitations soient enfin conformes à la directive européenne.