Bruxelles, le 3 octobre 2023
Ce mercredi 4 octobre 2023, se dérouleront devant le tribunal de première instance de Bruxelles les plaidoiries dans l’action intentée par la Ligue des droits humains contre l’État belge pour crime contre l’humanité. La Ligue des droits humains assigne l’État belge en responsabilité parce qu’il n’a pas respecté les quotas de relocalisation que l’Union européenne lui imposait depuis 2015, ce qui a contribué à la dégradation des conditions de vie des personnes en demande de protection internationale dans les camps grecs et italiens.
Il y a trois ans, le camp de Moria, sur l’île grecque de Lesbos, prenait feu, forçant la fuite de milliers de personnes demandeuses d’asile qui s’y trouvaient parquées. Cet incendie allait remettre les projecteurs sur les conditions de vie désastreuses et inhumaines que produit la politique migratoire européenne. Quatre ans plus tôt, en 2016, devant le nombre important de réfugié·es en Grèce et en Italie, les pays européens s’étaient engagés à respecter un plan de répartition de 160.000 personnes, depuis ces deux pays, suivant différents critères (démographie, PIB, etc.).
Aux oubliettes, l’accord européen
Cet engagement sera assez vite oublié côté belge. Selon un rapport de la Commission européenne de septembre 2017, sur les 2.415 relocalisations imposées par l’Union européenne, la Belgique n’avait relocalisé que 677 personnes en provenance de Grèce. En éludant ses responsabilités, la Belgique a directement contribué à la surpopulation et donc à la dégradation des conditions de vie des camps sur les îles grecques, dont celui de Moria. Or, elle ne pouvait ignorer les conditions dans lesquelles ces personnes vivaient. Les ONG présentes sur le terrain et les médias ont abondamment documenté des conditions inhumaines et dégradantes. Surpopulation, températures glaciales, manque d’eau, de chauffage, de soins médicaux, mauvaise hygiène et malnutrition attisent les tensions dans ces camps. Ces conditions portent atteinte à l’intégrité physique et psychique des demandeur·euses de protection internationale : des cas de mutilations, suicides et violences diverses y sont rapportés.
Crime contre l’humanité
La Ligue estime que la Belgique a commis une faute en ne respectant pas ses engagements européens de relocalisation. Cette faute constitue en outre un crime contre l’humanité qui engage sa responsabilité civile en droit belge. À titre de réparation, la LDH ne demande pas d’argent, mais la réparation « en nature » du dommage causé: une relocalisation du nombre de personnes auquel elle s’était engagée.
Et à Lampedusa ?
Ces plaidoiries surviennent au moment même où la secrétaire d’État à l’Asile et la Migration annonçait ne pas pouvoir répondre positivement à la demande de relocalisations de personnes migrantes arrivées à Lampedusa, à la mi-septembre. L’île italienne a vu arriver en une seule journée, 5.000 personnes. Et la secrétaire d’État de rappeler que la Belgique « plaide depuis longtemps pour une répartition équitable des migrants », affirmant respecter les accords permanents de relocalisation. Cette affaire plaidée ce mercredi devant le tribunal de première instance démontre le contraire : sur le dossier migratoire, la Belgique continue, ces dernières années, de tourner le dos à ses obligations et aux accords européens. Cet appel à la solidarité européenne est particulièrement hypocrite dès lors que la Belgique ne respecte pas elle-même les quotas de répartition et que, par ailleurs, la secrétaire d’État s’avère incapable de mettre en œuvre une répartition sur le territoire belge dans la crise de l’accueil.