The Farmer Case – jour 2 : plaidoiries de TotalEnergies

Tournai, le 10 décembre 2025

C’est au tour des avocat·es de TotalEnergies de plaider aujourd’hui, au tribunal de l’entreprise de Tournai.
Leur ligne de défense ? On la connaît et elle ne tient pas la route. 

1. TotalEnergies va plaider que sa stratégie de transition est l’une des meilleures du secteur pétrolier.

La réalité, c’est qu’aujourd’hui, en 2025, 96 % de sa production est toujours issue des énergies fossiles. Et la multinationale est loin de vouloir la réduire : TE a annoncé qu’elle produirait désormais 3% d’énergies issues d’hydrocarbures supplémentaires chaque année jusqu’en 2030. Et ça s’explique notamment par ses nouveaux investissements dans le GNL, le gaz fossile liquéfié que TE voit comme une énergie de transition. C’est faux, le GNL, c’est du fossile, et au cours de sa chaîne de production, il émettra énormément de gaz à effet de serre, notamment en raison des fuites de méthane.

TotalEnergies est aussi la première entreprise pétrolière au monde à développer le plus grand nombre de nouveaux projets en énergies fossiles : 154 en tout, dont 30 bombes climatiques, ces projets pétro-gaziers qui émettront chacun plus d’une gigatonne de CO2. “Le budget carbone”, ce qui nous reste à émettre comme émissions pour que l’on puisse rester sous 1,5 degrés, n’est absolument pas pris en compte par TE.

Enfin, pour atteindre la neutralité carbone en 2050 (l’équilibre entre les émissions de carbone et son absorption), TotalEnergies mise sur des technologies incertaines et risquées de captage, stockage et valorisation du CO₂. Il rachète aussi à tour de bras des crédits carbone, en d’autres mots: TE paie pour émettre plus de gaz à effets de serre.

TE peut agiter autant de labels qu’elle veut, la vérité c’est que ses activités nous conduisent droit dans le mur.

2. TotalEnergies va plaider qu’elle ne fait que répondre à la demande: c’est un peu de notre faute à nous, consommateur·rices.

La demande en énergie, elle est indéniable. Mais qui a dit qu’elle devait être d’origine fossile ? On a bien compris combien TotalEnergies traînait des pieds pour réellement investir dans les énergies renouvelables.

Voici d’autres chiffres pour le comprendre: la place de TE dans le secteur pétro-gazier? 2 %. L’impact de TE sur le marché du renouvelable ? TE y a investi 0,2% du marché bas carbone. Le géant pétrolier ne se dirige pas vers la sortie des énergies fossiles, au contraire: en ouvrant de nouveaux champs d’hydrocarbures, il nous enferme dans le fossile pour encore des décennies supplémentaires.

L’Agence internationale de l’énergie [AIE] a pourtant calculé, dans ses scénarios, que, si l’on voulait respecter l’engagement d’un réchauffement maximum de 1,5 °C en 2050, il fallait arrêter d’investir dès maintenant dans de nouveaux projets fossiles.
L’AIE, organisation composée de 30 pays membres, pour la plupart importateurs de pétrole, prévoit un excédent de pétrole pouvant atteindre 4 millions de barils par jour en 2026.

3. Pour TE, il est absurde de faire porter la responsabilité d’un système énergétique mondial construit depuis plus d’un siècle à un seul producteur de pétrole et de gaz.

TE n’est pas la seule multinationale poursuivie en justice : Shell l’est aux Pays-Bas, ENI en Italie, BP, Chevron et ExxonMobil aux Etats-Unis. L’un des arguments de parties requérantes, Etats, citoyen·es ou ONG, est justement que ces multinationales ont retardé de plusieurs décennies des actes forts pour lutter contre le changement climatique, en fabriquant le “doute” autour de l’origine du dérèglement climatique.

Du côté de TE, la multinationale persiste et signe en répétant à qui mieux mieux qu’aujourd’hui, il n’est pas certain qu’il faille sortir des énergies fossiles.

4. TotalEnergies va plaider que si ce n’était pas elle qui produisait tout ce pétrole, ce serait une autre carbon major. Et ce serait pire encore.

C’est oublier que TE est très loin de respecter les droits humains là où elle développe des projets pétro-gaziers.

Quelques exemples ?
TotalEnergies est visée par une plainte pour complicité de crimes de guerre, de torture et de disparitions forcées au Mozambique. Le pétrolier est mis en cause pour ses liens directs avec des militaires en charge de la sécurité du site et mis en cause dans de graves exactions contre des civils en 2021. En Ouganda, où TE développe le gigantesque oléoduc EACOP, les liens entre TotalEnergies et la dictature de Museveni ont été révélés par Mediapart. TE est aussi poursuivie par une cinquantaine de Yéménites qui l’accusent de polluer les terres et les eaux d’une région du pays. Fin octobre, TE a été condamnée pour pratiques commerciales trompeuses, pour avoir vanté ses engagements vers la neutralité carbone d’ici 2050.