Quatre associations et trois citoyen·nes attaquent en justice le report de la LEZ bruxelloise

Le BRAL, Les chercheurs d’air, la Fédération des maisons médicales et la Ligue des droits humains demandent à la Cour constitutionnelle d’annuler le report de deux ans de la Zone de Basses Émissions (LEZ) décidé en octobre dernier par le Parlement bruxellois. Ces quatre associations sont accompagnées par trois citoyen·nes Bruxellois·es dont la santé est impactée par la pollution de l’air. Pour les associations, ce report constitue un recul important de la protection du droit à la santé et à un environnement sain.

Les requérant·es ont introduit un recours – en suspension et en annulation – devant la Cour constitutionnelle car le report de la LEZ a de graves conséquences sur la santé des Bruxellois·es, en particulier dans les quartiers les plus précaires. Selon des estimations, la pollution de l’air causée notamment par le trafic routier est responsable de plusieurs centaines de morts prématurées chaque année à Bruxelles.

La Région bruxelloise ne respecte les valeurs recommandées par l’OMS en matière de dioxyde d’azote (10 µ/m3) dans aucune de ses stations de mesure officielles. Pire : sur certains grands axes et dans des rues “canyons” – des rues étroites bordées par de hauts bâtiments qui retiennent plus facilement la pollution – les normes européennes en vigueur, moins strictes (40 µ/m3), ne sont pas respectées non plus. Cette pollution de l’air génère des problèmes de santé importants et les enfants de moins de cinq ans sont particulièrement à risque, avec des effets tels que les naissances prématurées, une insuffisance pondérale à la naissance, de l’asthme et d’autres maladies pulmonaires.

La Zone de Basses Émissions – qui vise à interdire les véhicules les plus polluants à Bruxelles – est, à ce jour, l’outil le plus efficace pour faire reculer la pollution de l’air. Depuis son instauration en 2018, elle a entraîné une baisse considérable des substances toxiques présentes dans l’air. Le report de deux ans de l’interdiction des voitures diesel Euro 5 et essence Euro 2 a des conséquences sur la santé des Bruxellois·es. C’est particulièrement vrai pour les plus vulnérables : les enfants, les personnes âgées, celles qui souffrent de maladies chroniques (respiratoires ou cardiaques), ainsi que les personnes qui vivent en situation précaire et ayant un accès limité aux soins.

Standstill et discriminations

En octobre 2024, le Parlement bruxellois a décidé de reporter le jalon 2025 de la Zone de basses Émissions à 2027. Les voitures diesel Euro 5 et essence Euro 2 peuvent donc continuer à circuler sur le territoire bruxellois. Les partis à l’initiative de l’ordonnance entendaient “soulager les Bruxellois·es les plus défavorisé·es qui auraient dû adapter leur mobilité ou changer de véhicules”.

Les requérant·es s’appuient sur plusieurs éléments pour s’opposer à cette décision de report :

  • Standstill

Avec ce report de deux ans, elles estiment que le principe de standstill, déduit de l’article 23 de la Constitution, qui consacre le droit à la protection de la santé et à un environnement sain, est violé. Ce principe interdit de « réduire de manière significative » le niveau de protection offert par la réglementation existante sans justification raisonnable. Cet argument a été également souligné par le Conseil d’État dans son avis du 18 février 2025.

Or ce délai de deux ans aura indéniablement des conséquences sur la qualité de l’air à Bruxelles. Selon Bruxelles Environnement, les plus de 30 000 véhicules qui étaient concernés par cette nouvelle phase de la LEZ représentent au moins 40 % des émissions d’oxydes d’azote issues du transport, ainsi qu’une quantité significative de particules fines. La décision très rapide du report et les erreurs « techniques » qui en ont résulté permettent de s’interroger sur la justification raisonnable avancée par le Parlement bruxellois : permettre aux automobilistes concernés de s’adapter aux normes

  • Le principe de non-discrimination

La pollution de l’air à Bruxelles est particulièrement préoccupante dans les quartiers du centre, aux niveaux socio-économiques les plus faibles. Selon Bruxelles Environnement, « les concentrations de dioxyde d’azote (NO2), dont la source locale correspond principalement au trafic routier, augmentent de la périphérie vers le centre-ville. Le « black carbon » (BC) est un autre polluant de l’air issu du trafic routier. Les niveaux de concentration de BC les plus élevés sont principalement observés aux heures de pointes le long des grands axes et dans les rues bordées de hauts immeubles, dites rues « canyons ».

Les parties requérantes estiment donc que le report affecte de façon disproportionnée la santé de personnes vivant dans des quartiers plus précaires, sans qu’il n’y ait de justification raisonnable.

La qualité de l’air, une priorité

Avec ce recours, les quatre associations et les trois citoyen·nes espèrent remettre les questions liées à la qualité de l’air au centre des préoccupations politiques. Reporter le jalon 2025 de la Zone de Basses Émissions de deux ans, sans plancher sur les questions soulevées par ce report – exclusion sociale, fragilisation économique et perte d’attractivité de Bruxelles – ne résoudra rien. La Zone de Basses Émissions a montré qu’elle était un outil efficace pour lutter contre la pollution de l’air et ainsi protéger la santé et le droit à un environnement sain des citoyen·nes de Bruxelles, spécialement les plus vulnérables d’entre elles et eux.