Bruxelles, le 18 septembre 2025
Les lundi 13 et mardi 14 octobre, la Ligue des droits humains, en collaboration avec Bruxelles Laïque dans le cadre du Festival des Libertés et Sophie Delacollette (écriture et mise en scène), présentera au Théâtre National “Violences conjugales: comment rendre justice?”, la sixième édition de son procès fictif. Cette année, la LDH aborde la question délicate des violences conjugales. Comment rendre justice aux femmes victimes de ces violences ? Le système pénal peut-il répondre à leurs besoins ? Une peine de prison a-t-elle du sens et permet-elle d’endiguer les violences patriarcales ? La justice transformatrice permet-elle d’ouvrir une autre voie ?
Amal, la trentaine, deux enfants, subit pendant des années la violence psychologique et l’emprise de son mari. Ses coups, aussi. Elle parvient à le quitter, mais le jour où elle revient récupérer ses affaires à l’appartement, une dispute éclate et il tente de l’étrangler. Cette tentative de féminicide précipite les choses: comment retrouver la sécurité, pour elle et ses enfants? Doit-elle passer par une procédure pénale en portant plainte? Quelles en seraient les conséquences ? Serait-ce une solution de savoir son ex-conjoint condamné à de la prison ? Que peut signifier “justice” pour Amal et comment procéder ?
Les violences conjugales, un problème systémique
En Belgique, il n’existe pas encore de statistiques officielles relatives aux violences conjugales, la loi StopFéminicide votée en 2023 le prévoit pourtant. En attendant, le blog du même nom continue de tenir le décompte des féminicides dans notre pays : en 2024, 26 femmes sont mortes sous les coups de leur (ex)-partenaire. Et, selon l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, une personne sur trois a déjà été victime de violences entre partenaires au moins une fois au cours de sa vie. En 2023, la police a enregistré plus de 40.000 faits de violences dans le couple, un chiffre en augmentation chaque année alors que ces faits sont largement sous-rapportés. Aujourd’hui, le mouvement féministe a démontré que la dimension systémique de ces violences ne fait aucun doute, elles sont le produit de rapports de domination entre les hommes et les femmes ancrés dans la société depuis des siècles.
Alors, comment rendre justice aux victimes ?
La plupart du temps, les situations de violences conjugales ne sortent pas de la sphère familiale et restent impunies. Lorsque des victimes empruntent la voie pénale, l’affaire est le plus souvent classée sans suite, dans 70 % des cas selon des chiffres de 2018. Lorsque des poursuites ont lieu, la plainte suit un long cheminement judiciaire qui aboutit parfois à une condamnation. Mais cette procédure est lente et produit d’autres violences et discriminations systémiques.
Une justice pénale qui gomme les réalités systémiques
Cette procédure va entraîner plusieurs écueils pour les victimes : sa lenteur, alors qu’ il faut gérer des questions urgentes du quotidien (garde des enfants, logement) ; ses biais de classe, de genre et de race, parfois portés par les professionel·les du droit, juges et avocat·es; la place faite à la victime qui se sent souvent dépossédée de l’affaire discutée, celle de l’auteur dont l’objectif sera d’éviter ou de réduire un maximum sa peine. Et puis la réponse pénale principale – condamnant à l’emprisonnement, qui mène souvent à la récidive.
La procédure pénale peut donc elle-même devenir une épreuve, on parle alors de victimisation secondaire : la victime souffre deux fois, des faits en eux-mêmes et de la manière dont ils sont jugés. La justice pénale va également gommer la dimension systémique de ces violences et les réduire à un conflit entre deux personnes. Enfin, il subsiste des besoins auxquels la justice ne répond pas : celui d’obtenir des réponses, d’être reconnue, de se sentir en sécurité, d’obtenir réparation, de faire sens de son histoire. Sans compter tous les besoins « primaires » comme (re)trouver un toit, (re)trouver une autonomie financière, etc.
La justice transformatrice
Le procès fictif montre une alternative possible: celle de la justice transformatrice. Cette conception de la justice, en dehors du système pénal classique, “prône une gestion collective des violences interpersonnelles – en incluant la victime, mais aussi l’auteur et les proches – ainsi qu’une réflexion sur le contexte sociétal qui produit de telles violences”. Plus que de trancher un litige dans lequel l’État intervient au nom de la société, cette justice poursuit l’objectif d’enclencher une transformation de la communauté dans laquelle ces violences sont apparues. Comment cette justice fonctionne-t-elle ? Permet-elle de protéger vraiment la victime ? Quels changements permet-elle dans l’entourage de la victime et, plus largement, dans la société ?
Expérience immersive
Ce procès fictif proposera donc au public, en parallèle, deux manières de prendre en charge la situation d’Amal : la justice pénale et la justice transformatrice. Cette expérience à la frontière de la conférence et du théâtre se veut immersive : ce sont les spectateurs.trices qui prendront cette décision de la meilleure voie pour Amal.
Contacts :
Aline Wavreille, chargée de communication à la Ligue des droits humains : 0473/741.600.
Distribution :
Ecriture et mise en scène: Sophie Delacollette
Comédien.ne.s :
Warda Rammach, dans le rôle d’Amal El Asri
Paul Mosseray, dans le rôle de Stéphane Cornil
Mehdi Zekhnini dans le rôle de Redouane El Asri
Sophie d’Hondt dans le rôle de Mme Loyal, la policière, la procureure et la psychologue de Stéphane
Philippe Moens dans le rôle de Mr Loyal, du juge, et le parrain de Stéphane
Sophie Hustinx dans le rôle de la facilitatrice de justice transformatrice, Audrey Wauters
Malika Temoura (?) dans le rôle de Sofia
Expertes :
Diane Bernard pour la justice pénale
Sophie Hustinx pour la justice transformatrice
Avocates :
Benjamine Bovy pour la justice pénale
Juliette Moreau pour l’abolitionnisme pénal et la justice transformatrice
Création sonore : Thibault Coeckelberghs
Soutien technique : Dimitri Petrovic