Tournai, le 10 décembre 2025
C’est le deuxième temps fort de ce procès qui oppose l’agriculteur Hugues Falys à la multinationale française : les avocat·es de la multinationale vont défendre ce mercredi 10 décembre que TotalEnergies ne peut pas être tenue responsable des dommages subis sur la ferme d’Hugues Falys, en raison du dérèglement climatique. Devant le tribunal de l’entreprise de Tournai, une facture géante vient pourtant rappeler le coût des émissions de gaz à effet de serre des 5 principales carbon majors, dont TotalEnergies.
Déroulée sur 22 mètres de long, une facture géante accueille devant le tribunal de l’entreprise les deux parties de ce procès climatique inédit en Belgique ce mercredi 10 décembre, journée internationale des droits humains. La facture en question s’élève à 5 000 milliards de dollars américains (soit 4 200 milliards d’euros) : “cela représente les dommages économiques provoqués par les émissions de gaz à effet de serre de seulement cinq grandes sociétés pétrolières et gazières dont TotalEnergies (avec Shell, BP, ExxonMobil et Chevron)”, expliquent Fian Belgique, la Ligue des droits humains et Greenpeace qui se sont jointes à l’action climatique. Un calcul réalisé par deux chercheur·euses américain·es.
Dans le détail, la facture liste quelque 200 évènements climatiques extrêmes qui se sont produits après l’adoption de l’Accord de Paris, il y a près de 10 ans (le 12 décembre 2015). “Cette liste expose ce que TotalEnergies cherche à cacher à tout prix, sa responsabilité dans la crise climatique, et dans ses conséquences sur nous tou·tes” explique Hugues Falys. “La liste, qui n’est pas exhaustive, mentionne par exemple les inondations meurtrières qui ont frappé la Belgique en 2021”.
L’estimable et l’inestimable
Inondations, élévation du niveau de la mer, risques pour la santé, baisse de la productivité agricole et dommages causés aux écosystèmes, etc., les effets du dérèglement climatique se chiffrent. Absents de la facture par contre, les pertes de vies humaines ou encore la destruction du patrimoine, inestimables. A l’échelle de la Belgique, un rapport récent du Bureau du Plan en partenariat avec le Centre d’analyse du risque climatique, souligne que notre pays pourrait connaître une baisse de son PIB de quelque 5% d’ici 2050, accompagnée d’une explosion de la dette.
La stratégie de TotalEnergies
Du côté du Farmer Case, on se prépare aux plaidoiries des avocat·es de TotalEnergies: “TotalEnergies plaidera en cette journée internationale des droits humains qu’elle ne fait que répondre à notre demande à nous, consommateur·rices, qu’elle est l’une des multinationales les plus engagées dans la transition (alors qu’aujourd’hui encore 97 % de sa production est issue des hydrocarbures et que TE s’engage dans l’augmentation de cette production jusqu’en 2030). La réalité, c’est que TE pèse donc 6 fois plus lourd dans le secteur des énergies fossiles que dans le secteur des énergies bas carbone”, rappellent la Ligue des droits humains, Greenpeace et Fian Belgique.
C’est aussi, selon le projet carbonbombs, la mutinationale qui développe le plus de nouveaux projets liés aux énergies fossiles (30 bombes climatiques, 106 nouveaux projets d’extraction, 18 terminaux de gaz fossile liquéfié).
Sortir des énergies fossiles, le plus tard possible
TotalEnergies dira aussi qu’elle ne peut pas être tenue responsable d’un système énergétique mondial basé sur les énergies fossiles, mais “ce système, la multinationale a pourtant largement contribué à le maintenir en freinant des actes forts ces dernières années pour sortir des énergies fossiles”, dénoncent les ONG. “Alors que TotalEnergies a un rôle décisif d’influence du marché, la multinationale persiste et signe en répétant à qui mieux mieux qu’il n’est pas certain qu’il faille sortir des énergies fossiles”, concluent-elles.
Pour rappel, fin octobre, TotalEnergies a été condamnée pour pratiques commerciales trompeuses, pour avoir vanté ses engagements vers la neutralité carbone d’ici 2050. Manifestement, la multinationale ne s’inscrit pas volontairement dans la transition. Hugues Falys et les ONG considèrent qu’il est temps de la contraindre à assumer ses responsabilités, à faire sa part.
Après les plaidoiries de TotalEnergies, le procès climatique se poursuit en janvier : les après-midis des 21 et 23 janvier pour les répliques et les questions-réponses du tribunal. La décision est attendue au printemps 2026.