Bruxelles, le 17 mars 2025
Le tribunal de première instance de Bruxelles a condamné l’État belge, la zone de police Bruxelles Capitale Ixelles et le bourgmestre de la Ville de Bruxelles pour leur gestion de la manifestation du 24 janvier 2021. 11 personnes, soutenues par la Ligue des droits humains, les avaient assignés en justice pour les violences policières commises ce jour-là. Pour la justice, le confinement, les arrestations et les conditions de détention en marge de cette manifestation constituent des fautes civiles.
C’est un jugement important qui vient de tomber: le tribunal de première instance de Bruxelles condamne sur presque toute la ligne l’État belge, la zone de police POLBRU et le bourgmestre de la ville de Bruxelles. Le 24 janvier 2021, 450 policier·ères avaient été déployé·es par les autorités pour une manifestation “contre la justice de classe et raciste” qui avait rassemblé 150 personnes. En marge du rassemblement, 233 personnes avaient pourtant été arrêtées. La gestion policière de cette manifestation avait fait l’objet de nombreuses critiques. De son côté, la Ligue des droits humains avait analysé les multiples abus, violences et dysfonctionnements dans un rapport spécifique sur cette manifestation. Des violences qui avaient également été dénoncées par un syndicat policier, la CGSP Police, fait suffisamment rare pour être souligné.
Comportement fautif pour la technique du confinement, les arrestations, l’usage des menottes et les conditions de détention
Dans son jugement, le tribunal établit:
- que la mesure de confinement (ou nasse) a été ordonnée et exécutée sans base légale suffisante et qu’elle est constitutive d’une faute. “La technique policière de confinement ne fait l’objet en droit belge d’aucun encadrement légal spécifique qui pouvait baliser la mesure de confinement indifférencié opérée par les services de police ce jour-là”. Selon le tribunal, l’usage de la mesure de nasse ou de confinement n’est donc pas autorisé en droit belge à ce jour.
- que les services de police de la zone de Bruxelles Capitale Ixelles ont adopté un comportement contraire à la loi, “en procédant à l’arrestation administrative des demandeurs dans un contexte qui ne démontre ni le risque d’une atteinte grave à l’ordre public qui leur est imputable, ni l’absolue nécessité de cette arrestation”.
- que l’usage des menottes “n’était pas légalement admissible” dès lors que les personnes visées sont restées calmes et n’ont pas opposé de résistance.
- “le fait pour les demandeurs d’être détenus, même quelques heures, sans connaître le motif exact de leur arrestation, dans les conditions matérielles pré décrites [NDLR: maintien des colsons trop serrés, promiscuité avec les autres détenu·es dans les cellules au mépris des règles sanitaires requises par la pandémie, températures très basses régnant dans les cellules, interdiction d’aller aux toilettes] et dans un climat de violence dont ils ne sont pas responsables constitue un traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme”.
Le tribunal n’a par contre pas considéré que le profilage ethnique était suffisamment démontré mais il souligne le risque de comportement discriminatoire au moment des arrestations en raison du manque de clarté des instructions données à la police.
L’État belge, la zone de police et le bourgmestre sont condamnés à indemniser les victimes, dont une personne mineure au moment des faits.
La Ligue des droits humains espère que ce jugement fera date et conduira à modifier les pratiques policières en revoyant l’usage des arrestations administratives en manifestation, et en cessant de recourir à la technique de la nasse et du confinement, qui sont illégales en l’état actuel du droit.
Contacts:
Pauline Delgrange, avocate des requérant·es (Progress Lawyers Network): 0476/70.54.50.
Pierre-Arnaud Perrouty, directeur de la LDH: 0484/18.35.35.